Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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DANS MON VILLAGE, ON MANGEAIT DES CHATS
- Par asbl-creabulles
- Le 29/06/2020

Scénario : Philippe PELAZ
Dessin : Francis PORCEL
Couleurs : Francis PORCEL
Dépot légal : juin 2020
Editeur : Bamboo
Collection :
ISBN : 978-2-8189-7563-3
Nombre de planches : 54Cela commence comme un conte mettant en scène un gamin de 13 ans, Jacques Pujol, atteint d’analgésie – une perte de la sensibilité à la douleur – et sa petite sœur Lily. Jacques adore Lily et n’hésite pas à s’interposer quand leur père, chauffeur routier mais aussi homme violent et souvent ivre, s’en prend à eux ainsi qu’à leur mère en menaçant de les frapper. Pendant ses missions sur les routes, leur mère "reçoit" la visite d'autres hommes et les gamins ont pris l’habitude de s’échapper de la maison. Lors d’une de ces escapades nocturnes pour regarder les étoiles, Jacques et sa sœur Lily surprennent M. Charon, le maire mais aussi le boucher du village, en train de capturer des chats. Ils le suivent jusqu’à sa boutique et le surprennent en plein travail de dépeçage des corps des animaux. Le pâté du boucher, qui a tant de succès dans le village, est donc fait à base de viande de chat !
Jacques est bien décidé à faire comprendre au maire/boucher qu'il connaît le secret de sa recette. Mais alors qu’il pensait jouer avec sa victime comme un chat avec une souris, la situation va très vite devenir un piège sanguinaire. A la maison, les choses ne vont pas s’améliorer non plus avec son père. Une nouvelle vie va donc commencer pour Jacques, ni banale, ni ordinaire.
Mon avis: Derrière son titre original, ce one shot nous fait vivre l'ascension dans la violence de ce jeune gamin qui au départ cherchait seulement à protéger sa petite sœur des coups de son père. N’ayant peur de rien, ou presque, on va le voir jouer au "petit" dur et, peu à peu, devenir quelqu’un avec qui il va falloir compter avant de finir meurtrier. Le gamin est rusé et doué mais il a toutefois ses faiblesses. Saluons le savoir-faire du scénariste Philippe Pelaez car on accroche tout de suite avec la mise en bouche du pâté de chats. C’est le héros en voix off qui nous décrit et nous raconte cette vie hors normes, une vie sombre, noire et violente. L’utilisation de la voix off, les rebondissements de l’intrigue, le suspense, les dialogues savoureux, tout y est pour nous surprendre et nous tenir en haleine, bref nous mettre une claque ! Si vous n'avez pas encore eu l’occasion de lire une BD de cet auteur (Un peu de tarte aux épinards, Maudit sois-tu, etc.), je ne peux que vous conseiller de vite étoffer votre collection. Sans aucun doute, un auteur qu’il faut suivre de près.
Les dessins de Francisco Porcel rendent parfaitement cette ambiance sombre et déjantée. Sous son trait, tous les personnages ont une "gueule" avec un caractère bien trempé. Une belle mise en page au service de l’intrigue et des cadrages presque cinématographiques. Les couleurs donnent le ton, sombres mais sans rien écraser, venant accentuer un peu plus l’ambiance de polar déjanté. Un très bon moment de lecture.
SDJuan
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ALIX SENATOR 10
- Par asbl-creabulles
- Le 26/06/2020
Scénario : Valérie MANGIN
Dessin : Thierry DEMAREZ
Couleurs : Jean-Jacques CHAGNAUD
Dépot légal : Avril 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-203-19262-1
Nombre de pages : 46Après avoir perdu deux de ses proches, Alix s’efforce de remonter la pente et de se projeter dans l’avenir. À l’invitation de son cousin Vanik, désormais gouverneur à Arquélia, il se met en route vers la Gaule. Alix connait bien la région d’Alésia pour y avoir vécu à l’époque de Vercingétorix. Vanik lui fait part de ses grands projets pour la ville puisque la Gaule est à présent gallo-romaine. En route vers Alésia, il confirme à Alix son désir d’"en faire une ville aussi romaine que gauloise, le symbole de l’unité de nos deux peuples". Sur le trajet, Alix apprend aussi que des créatures se cachent dans la forêt, coiffées de peaux de loups. Depuis l’annonce des travaux pour transformer Alésia, les attaques d’hommes-loups se sont multipliées. Un jour, Alix, ne peut s’empêcher de suivre l’un d’eux. Il se retrouve face à Ollovia, la veuve de Vercingétorix, entouré d’hommes déguisés, ce qui vient confirmer ses soupçons : il s’agit bien des vétérans de l’ancienne armée de Vercingétorix battus et humiliés par les Romains. Alix va tout faire pour calmer les choses dans les deux camps. Mais cela ne sera pas aussi simple qu’il pensait, surtout lorsqu’on a comme seul héritage la défaite, l’humiliation et la mutilation.
Mon avis: Ce tome 10 est une très belle surprise. Valérie Mangin nous régale d’un scénario attrayant, classique dans la forme mais fourni en rebondissements, bref d’un récit efficace qui ne manque pas de suspense. L’intrigue, bien menée, nous donne l’occasion de revenir sur le passé d’Alix au temps de Vercingétorix en Alésia. Des liens forts vont remonter à nos jours, ce qui devrait ravir les fans du héros mais pas seulement!
La partie dessin confiée à Thierry Démarez est toujours aussi réussie haut la main. Les extérieurs – balades en forêt, à cheval et scènes de combats très réalistes – sont agréablement restitués tant en plans larges que rapprochés. Il en va de même s’agissant des ambiances romaines intérieures. Les deux bénéficient d’un trait précis et d’une abondance de détails ainsi que d’une mise en couleurs plaisante de la part de Jean-Jacques Chagnaud. Une série dont l’intérêt et la qualité ne se démentent pas
SDJuan
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LE CULTE DE MARS
- Par asbl-creabulles
- Le 18/06/2020

Scénario : MOBIDIC
Dessin : MOBIDIC
Couleurs : MOBIDIC
Dépot légal : juin 2020
Editeur :
ISBN : 978-2-7560-9921-7
Nombre de planches : 112En des temps futurs, les ressources de la Terre ayant fini par s’épuiser, l’homme a décidé de quitter sa planète pour aller s’installer sur Mars. En réalité, seule une fraction des plus nantis est montée à bord de la fusée. Pire, ceux faisant partie de cette "élite" ne sont jamais revenus, comme prévu et comme promis, chercher les autres, les plus nombreux mais aussi les plus pauvres, contraints et forcés de (sur)vivre sur une planète en détresse tout en gardant l’espoir qu’un jour eux aussi pourraient partir sur Mars. Sur la Terre, au fil du temps la nature et les animaux ont progressivement repris leurs droits obligeant les hommes à s’habituer à (re)vivre comme avant. Mais pour beaucoup l’espérance d’un départ vers Mars est devenue une croyance, une religion, un culte célébré notamment à chaque alignement des planètes, le "culte de Mars" qui donnera même lieu à des sacrifices humains. D’autres vont essayer de réparer une fusée abandonnée mais les connaissances elles aussi se sont peu à peu perdues. Seul Hermès, un homme qu’on surnomme "le messager de Mars" pourrait bien avoir toutes les réponses.
Mon avis: À travers ce beau récit fantastique, Mobidic (dont on a pu lire Le Roi Ours paru en 2015 chez Delcourt) développe d’une manière des plus intéressantes et captivantes sa vision de notre planète qui se reconstruit peu à peu après avoir frôlé la fin du monde. Elle met en avant le savoir et la communication à travers les personnages d’Hermès qui récolte tout au long de son parcours un maximum de connaissances du passé (qu’il va s’appliquer à transcrire dans son livre), et de Caroline, sourde de naissance, avec laquelle Hermès va s’efforcer de communiquer grâce à la langue des signes. Croyances et savoir vont se confronter dans ce récit où l’espoir est perçu et vécu différemment et où il pousse à agir tout aussi différemment selon le point de vue adopté pour le concrétiser (sombrer dans l’idolâtrie ou réparer une fusée).
Côté illustration, l’album est un pur régal pour les yeux. Mobidic nous gâte avec ses vues d’une nature où la végétation a repris ses droits tout en y insérant des passages sombres où la lumière, telle une lueur d’espoir, réussit à percer. Ajoutons un choix intelligent et efficace des cadrages et du découpage, des personnages expressifs, des couleurs bien pensées. Un récit captivant à ne pas rater ainsi que le carnet de croquis en fin d'album !SDJuan
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UN HOMME QUI PASSE
- Par asbl-creabulles
- Le 01/06/2020
Scénario : Denis LAPIÈRE
Dessin : DANY
Couleurs : DANY
Dépot légal : Mars 2020
Editeur :
Collection : Air Libre
ISBN : 979-10-34732-12-8
Nombre de pages : 64Îles Chausey. En pleine tempête, Paul s’avance sur la plage revolver en main, bien décidé à en finir avec la vie. Soudain, son attention est attirée par une fusée de détresse. Paul comprend vite que si le bateau en perdition s’approche trop près, ce sera la catastrophe car il connaît parfaitement ce rivage et ses rochers près de chez lui. Il rentre s’équiper et embarque sur son canot à moteur pour donner un coup de main. Très vite, il entend les cris d’une femme et se précipite pour la secourir. Tous deux réussissent à s’en tirer sains et saufs. Paul invite la rescapée chez lui pour qu’elle se change et se remette de ses émotions. Elle lui confie s’appeler Kristen et être venue à la demande de son éditeur car Paul, reporter-photographe, était censé livrer la maquette de son nouveau livre photo, un livre différent, plus intime, "le journal d'une vie d'aventures amoureuses" selon les propres mots de l'artiste. En découvrant un pan de mur entièrement couvert de photos de femmes séduisantes Kristen va découvrir la véritable nature de Paul… pour le meilleur et pour le pire.
Mon avis: L’originalité du scénario est de nous présenter, une fois passé l’épisode mouvementé du sauvetage, deux points de vue complètement différents sur les relations homme/femme dans le cadre d’un huis clos plutôt agité, l’un considérant la séduction comme libre et l’autre ayant un avis plutôt opposé mais sans connotation féministe marquée. Ce tiraillement constant entre les deux points de vue est véritablement la marque de cet album et va nous mener vers un dénouement inattendu et surprenant, en particulier en ce qui concerne le personnage de Kristen. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le scénario ne surfe pas sur la vague des mouvements anti harcèlement nés après #MeToo car il est resté très longtemps dans un tiroir de Denis Lapière (son 150è scénario) et quasiment réservé à Dany pour la mise en images. C’est donc chose faite aujourd’hui. On ne peut d’ailleurs s’empêcher de faire un certain rapprochement avec l’auteur Dany, car lui-même est un grand séducteur, amoureux des femmes, mais aussi par les voyages et les époques évoquées, tant la ressemblance avec le héros de la BD est frappante.
L’illustration de couverture montrant des flots tumultueux venant s’écraser sur les rochers représente bien l’ambiance de l’album et l’état psychologique du héros qui s’en prend plein la figure. Dany renoue pour ce one shot avec un dessin réaliste en couleurs directes qui témoigne largement de son talent tant pour les extérieurs maritimes de l’île, les divers paysages liés à l’évocation du passé que pour les décors intérieurs mais, et surtout, pour les multiples conquêtes féminines évoquées par Paul. Et là, il se distingue vraiment. Un one shot surprenant qui nous permet de retrouver avec plaisir le Dany dans un style qui lui réussit si bien. SDJuan
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NEW TEEN TITANS
- Par asbl-creabulles
- Le 26/05/2020

Volume 1
Scénario : Marv WOLFMAN
Dessin : Curt SWAN et George PEREZ
Couleurs : Adrienne ROY, John DRAKE & Jerry SERPE
Encrage : Franl CHIARAMONTE, Pablo MARCOS, Romeo TANGHAL
Dépot légal : Septembre 2019
Edition : Urban Comics
Collection : DC Essential
ISBN : 978-2-365-77400-0
Nombre de planches : 464
Info édition : THE NEW TEEN TITANS #1-16, DC Comics Presents #26- Pagination : 440 pages
- EAN : 9791026818342
- Contenu vo : New Teen Titans #17-27, Annual #1, Tales of the New Teen Titans #1-4
En intervention sur une attaque terroriste à New York, Robin se retrouve soudainement téléporté en un autre lieu et à une autre époque. Pressé par Wonder Girl de rejoindre l’immeuble-tour des Titans que tout le monde – sauf lui évidemment – connaît, Robin a la surprise de découvrir de nouvelles têtes, notamment Cyborg, Starfire et Raven (qu’il peine pourtant à identifier sous sa cape), aux côtés de Kid Flash, Wonder Girl et Beast Boy, les membres de son équipe. Revenu au temps présent, il pense que cette aventure n’est qu’un mauvais rêve. Sauf que Raven refait son apparition et lui annonce qu’un danger venu de l'espace menace la ville. Elle lui précise que la Starfire qu'il a bien vue dans ce qu'il pensait n'être qu'un mauvais rêve, ne fait pas encore partie de l'équipe. Il y a même urgence à la délivrer des oppresseurs extra-terrestres qui la poursuivent. C'est justement la nouvelle équipe des New Teen Titans au complet qui va tout faire pour la délivrer. Mais Raven va finir par leur avouer que le danger est en réalité bien plus terrible que l’on croit. Il provient d'une autre dimension et est incarné par un démon dénommé Trigon, son propre père.
V
olume 2
Scénario : Marv WOLFMAN
Dessin : Curt SWAN et George PEREZ
Couleurs : Adrienne ROY, John DRAKE & Jerry SERPE
Encrage : Franl CHIARAMONTE, Pablo MARCOS, Romeo TANGHAL
Dépot légal : Décembre 2019
Edition : Urban Comics
Collection : DC Essential
ISBN : 9791026818342
Nombre de planches : 440
Info édition : New Teen Titans #17-27, Annual #1, Tales of the New Teen Titans #1-4Dans le deuxième tome, les proches de l’équipe vont tour à tour expérimenter des mésaventures et même vivre une tragédie mais aussi se rendre compte de ce qu'il se passe vraiment dans les rues où sévit la délinquance et où circule la drogue ou encore découvrir qu'un gourou sanguinaire, et c'est peu de le dire, ne cesse de gagner du terrain. C’est aussi l’occasion pour eux de mieux se connaître mais aussi de se raconter, d’évoquer leur passé, en nous donnant ainsi l’occasion d’en savoir davantage sur les origines de chacun. Mais surtout, après Raven (dans le tome 1), c’est à présent au tour de Koriand’r, autrement dit Starfire, d’affronter un membre de sa famille jusqu’à la mort inévitable !
Mon avis: La première série des Titans – à l'époque un petit groupe d’élèves et/ou équipiers servant de faire-valoir aux Super-Héros DC – cesse sa parution deux ans avant le lancement en 1975 par Marvel Comics des "Étranges X-Men" (Uncanny and/or All-New All-Different X-Men #94). Comme cette série mettant en scène de jeunes héros voit ses ventes progresser rapidement et s’assurer une grosse part du marché américain du comics, DC réagit en créant les New Teen Titans (Les Jeunes Titans chez Arédit-Artima). Le projet à l’origine duquel on trouve Len Wein et Marv Wolfman sera vite pris en mains par George Pérez au dessin et Marv Wolfman au scénario. L’équipe des New Teen Titans s’appuie sur les sidekicks comme Robin, Wonder Girl, Kid Flash, au départ pensés pour mettre en valeur leurs aînés et modèles, autrement dit les super-héros Batman, Wonder Woman ou Flash. Mais de nouveaux personnages hauts en couleurs sont alors créés pour compléter l’équipe: la princesse extra-terrestre Starfire, pourchassée par d’autres aliens esclavagistes; Raven, l’empathe aux sombres pouvoirs, fille d’un démon; Cyborg, un ancien athlète de haut-niveau; le métamorphe Beast Boy renommé Changelin. Comme dans le cas des X-Men, les protagonistes sont moins intergalactiques, moins "froids" et distants, moins dotés de super-pouvoirs hyper puissants. En étant plus jeunes, plus humains, plus accessibles, en somme en ayant des faiblesses, ils donnent aux lecteurs l'impression de pouvoir s'identifier à eux et de grandir à leurs côtés. Cette édition arrive à point puisque Netflix a produit l’adaptation des Teen Titans en série télé (deux saisons à ce jour).
Pour la partie dessin, Marv Wolfman a immédiatement pensé à George Pérez, déjà bien connu à l'époque et gage de qualité sûr. Pérez n’hésite pas à multiplier les personnages dans ses cases et son découpage plus que pertinent donne une énergie folle à ses pages. Il prend du plaisir à dessiner et cela se voit dans la force, la puissance qui se dégage naturellement de ses dessins. C’est vraiment un travail de qualité, tant pour les recherches sur les personnages rendus mémorables que sur les décors, les mises en scènes. Même si cela date un peu, le résultat n’en demeure pas moins impressionnant. C'est un très grand du comics qui a réussi à faire ce qu'il fallait pour que les New Titans attirent un lectorat jeune (comme moi à l’époque) et rencontrent le succès. A l'encrage, Romeo Tanghal a fait un excellent travail sur les dessins de George Pérez.Le récit NEW TEEN TITANS apparaît dans le n°26 de "DC COMICS PRESENTS" paru le 26 octobre 1980 sous forme d’une preview de 16 pages. La série sort ensuite sous son propre nom le mois suivant avec cette couverture qui deviendra mythique pour tout collectionneur. Même s'ils n'ont jamais atteint le niveau des X-Men de Chris Claremont et John Byrne, les New Teen Titans ont remporté un franc succès largement mérité. Ces intégrales leur fait honneur avec un premier tome de pas moins de 465 pages (suivi de deux autres volumes prévus en 2019 et 2020). Un indispensable du comics de Super-héros de qualité. SDJuan
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RHUM HÉRITAGE
- Par asbl-creabulles
- Le 22/05/2020
Scénario : Tristan ROULOT
Dessin : Mateo GUERRERO
Couleurs : Amparo CRESPO
Dépot légal : Mai 2019
Editeur : Hachette
Collection : RobinSon
ISBN : 978-2-01-704447-5
En cette année 1690, la production de sucre bat de l’aile sur la colonie antillaise de La Martinique. En effet, les esclaves, s’ils ne meurent pas de maladie, préfèrent fuir et se suicider en se jetant du haut d’une falaise. La France de Louis XIV exigeant que la production de sucre augmente, un recrutement auprès des Français est alors mis en place, faisant miroiter un salaire et la propriété d’un lopin de terre au terme d’un contrat de trois ans. Jean Rouen, fils d’un drapier normand, fait partie de ces volontaires qui ont accepté de s’engager dans l’aventure. Il s’imagine déjà faire fortune et se refaire une vie pour rembourser ses dettes. Sur le paquebot La Loire en partance de La Rochelle vers les Antilles, Jean fait la connaissance du Père Labat qui s’y rend pour superviser les missions catholiques sur place. Le voyage de 63 jours à destination de Saint-Pierre ne sera pas de tout repos et ils échapperont de justesse à une tempête et même à une attaque de vaisseau anglais. Sur place, Jean va rapidement aller de désillusion en désillusion en se rendant compte que la vie des travailleurs – esclaves noirs ou autres – ne vaut pas grand-chose. Son destin sera intimement lié à celui d’un esclave et de sa sœur avec lesquels il aura sympathisé. Quant au père Labat victime de la fièvre jaune, il aura la vie sauve grâce à la "guildive" (francisation de kill devil), cette eau-de-vie tirée des mélasses de canne à sucre. Il décide d’en savoir davantage sur ce remède appelé aussi tafia en créole mais surtout "rhum".
Mon avis: Tristan Roulot revient sur les origines du rhum à travers ce récit d’aventures historiques largement documenté, s’appuyant sur la demande croissante de sucre en France et les missions chrétiennes au temps de la colonisation et de l’esclavage. Les circonstances vont conduire le père Labat à essayer une "potion" guérisseuse, certes exécrable à avaler et pourtant à l’origine du délicieux rhum que nous apprécions aujourd’hui grâce à la distillation. Le scénario bien construit enchaîne les intrigues en évitant l’aspect rébarbatif des récits trop didactiques et nous présente des personnages bien maîtrisés et intéressants. Après la bière des Maîtres de l’Orge de Van Hamme et Valles, les vins français de Châteaux Bordeaux de Corbeyran et Espé et espagnol de Bodegas de Corbeyran et Ruizgé, voici l’histoire du rhum, cette boisson exotique si chaleureuse et riche de "Rhum Héritage". Coup de coeur des librairies Fnac en France.
Au dessin, on retrouve avec plaisir le trait de Mateo Guerrero déjà apprécié dans différents genres avec Turo (heroic fantasy), Gloria Victis (péplum) ou aventure fantastique (les deux albums bluffants de sa série Jakob Kayne). Au plus haut de sa forme, il nous entraîne en pleine mer avec une bataille navale pour nous mettre l’eau à la bouche avant de débarquer aux Antilles où il illustre une belle brochette de personnages parfaitement reconnaissables. Son dessin réaliste à la fois soigné, précis et dynamique nous plonge littéralement dans un univers dur et sans concession. Très belle mise en couleurs d'Amparo Crespo. N’hésitez pas à commander cet album paru chez Hachette dans la collection Robinson chez votre libraire préféré car il risque bien, en Belgique, de ne plus figurer parmi les sorties des mois passés. Mateo Guerrero expose actuellement (jusqu’au 13 juin) à la Galerie Passerelle Louise des planches de ses séries Jakob Kayne et Rhum Héritage (lien ici).
SDJuan
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DJANGO MAIN DE FEU
- Par asbl-creabulles
- Le 18/05/2020

Scénario : Salva RUBIO
Dessin : EFA
Couleurs : EFA
Dépot légal : Janvier 2020
Editeur :
Collection : Air Libre
ISBN : 979-10-34736-32-4
Nombre de pages : 62Django Reinhardt voit le jour en Belgique à Liberchies, près de Charleroi, dans un campement manouche pendant l'hiver 1910. Une dizaine d'année plus tard, c'est dans "La Zone", un quartier à la lisière sud de Paris, que l'avenir de Django qui n’est encore qu’un préadolescent va se jouer. Peu attiré par l’école, il aurait pu rester à la tête de sa bande des "foulards rouges" et se fritter régulièrement aux "foulards bleus" s'il n'avait une prédilection marquée pour la musique. Il se débrouille déjà très bien au violon mais préfère de loin le banjo. Le déclic se fait lorsqu’il voit son oncle jouer dans un groupe le soir à "La Varenne". Le gamin qu’il est aujourd’hui est bien décidé à prouver qu’il peut jouer avec les grands mais, tant qu'il n'aura pas de banjo entre les mains, il ne trouvera pas la tranquillité et continuera à voler et commettre de petits délits. C’est son petit frère Joseph qui va pousser sa mère à tout faire pour lui en acheter un. A partir de là, Django va consacrer tout son temps à jouer et jouer encore pour améliorer sa technique jusqu'à se faire remarquer tout naturellement par son oncle qui finira par le prendre dans son groupe. Il est vite remarqué et sa notoriété va se développer rapidement et va même le conduire à enregistrer des albums vinyles avec des musiciens reconnus à l'époque, des vinyles sur lesquels son nom est mal écrit – Jiango Renard – mais il s'en moque, de toute manière l'école n'a jamais été son fort et il ne sait ni lire ni écrire. Il sait jouer et se dit "le meilleur de la Zone". Enfin, le meilleur de Paris. Peut-être même de toute la France. Il aura deux grands amours dans sa vie : Naguine et Bella. Il délaissera la première pour se marier avec la seconde. Mais Naguine ne s'avouera pas vaincue pour autant. Finalement, c'est un incendie qui en le blessant va venir bouleverser sa vie mais sa détermination va aussi lui offrir une seconde naissance, à la guitare cette fois.
Mon avis: Il fallait oser raconter la jeunesse d’un tel personnage car le défi s’annonçait de taille s’agissant de la documentation. Salva Rubio le relève haut la main grâce à un scénario qui, en combinant habilement une réalité parfois embellie pour les besoins de la cause et une bonne part de fiction, réussit à capter notre attention tout au long d’un récit biographique qui, dès lors, se révèle captivant. Ces aventures de Django nous montrent un gamin sûr de lui, animé par un orgueil revendiqué et certain d’être le meilleur en tout, chef de bande, joueur de banjo, séducteur, joueur de guitare… La narration est dynamique et largement enrichie de flashes-back bien amenés et efficaces mais aussi d’une vision de son avenir.
Très belles illustrations de Ricardo Efa. Son dessin réussit à transmettre l’énergie du gamin et de l’ado sûr de soi en toutes choses puis du jeune homme bien décidé à vivre sa deuxième vie avec une persévérance inébranlable et presque inhumaine pour devenir le musicien hors normes que l’on connaît. Efa réussit parfaitement à restituer les émotions, la tragédie et l’amour qui entourent Django. Un dessin visuellement très agréable, avec de belles mises en scènes, un découpage lui aussi dynamique et une très belle mise en couleurs. L’album est préfacé par Thomas Dutronc et enrichi d’un dossier largement documenté et illustré de 16 pages.SDJuan
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LIAISONS DANGEREUSES - PRÉLIMINAIRES 1, 2 et 3
- Par asbl-creabulles
- Le 12/05/2020
Exposition voir en bas de page
Tome 1 : L'Esprit et la Vanité
Scénario : Stéphane BETBEDER
Dessin : DJIEF
Couleurs : Isabelle MERLET
Dépot légal : Octobre 2017
Editeur : Glénat
Collection Graphica
ISBN : 978-2-344-01824-8
Nombre de pages : 56Dernier d'une grande famille noble, le jeune Sébastien de Valmont souffre d’épilepsie, une maladie encore peu connue en ce milieu de XVIIIe siècle. Très complexé par des crises qui lui tombent dessus sans prévenir, il souffre d’être négligé par son père et trop couvé par sa mère. Lors d'une réception dans la demeure familiale, le regard et la présence de la comtesse de Senanges vont venir bousculer ses habitudes et même sa perception du monde. En fait, il a déjà croisé et rencontré la comtesse alors qu’elle repartait de leur propriété après une visite de courtoisie. L’ayant aperçu seul, assis dans l’herbe en train de dessiner des animaux, la comtesse avait invité Sébastien à la rejoindre dans sa calèche. Depuis, il n’a pas oublié leurs échanges de regards. La comtesse à qui la mère de Sébastien a fait part de ses inquiétudes concernant son fils lui propose de prendre Sébastien sous son aile. Dès lors, elle va lui faire découvrir qu’en chaque personne existe un animal qui la fait agir en tant que tel et qu'il sera plus facile ensuite d'en jouer. Elle va aussi et surtout l'initier au jeu de la séduction et aux plaisirs amoureux… mais si la santé de Sébastien tend à s’améliorer auprès de la belle comtesse, il n’a pas vraiment pris conscience du jeu dangereux auquel il s’adonne à présent.

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Tome 2 : De l'amour & de ses remèdes
Scénario : Stéphane BETBEDER
Dessin : DJIEF
Couleurs : Djief
Dépot légal : Février 2019
Editeur : Glénat
Collection Graphica
ISBN : 978-2-923621-83-8
Nombre de pages : 64Dans ce deuxième album nous faisons la connaissance d’Isabelle. Ayant ressenti le besoin de se confesser, la jeune femme écrit plusieurs lettres à son curé dans lesquelles elle lui raconte tout de sa vie privée sans rien omettre. Enfant déjà, elle fait preuve d’un caractère bien marqué. Pour ses 9 ans, son père qu’elle adore lui offre une armoire en forme de maison qu’il a gagnée au jeu. Isabelle doit garnir chaque case de meubles miniatures et l’embellir au fil du temps. A la mort de ce père dont l’épouse déplore les infidélités et le vice du jeu, la famille se retrouve ruinée. La demeure familiale se vide lentement pour rembourser les dettes du père et le fameux meuble retourne à son propriétaire. Finalement, la mère et la fille trouvent refuge chez l’oncle d’Isabelle, le baron de Choisy. Celui-ci prend Isabelle sous son aile et se charge de l’éduquer mais à sa manière, faisant d’elle une jeune fille certes de la bonne société mais plutôt libertine et surtout manipulatrice. La réalité auprès de cet oncle ne sera pas aussi rose que prévu et, déçue de son attitude, Isabelle décide par défi d’épouser le vieux marquis de Merteuil. Une nouvelle vie commence, pas vraiment ce qu’elle espérait, mais au fil des expériences mondaines et sexuelles orchestrées par son époux, elle va trouver le moyen de se libérer et de jouir de la vie comme elle l’entend. C’est au moment où elle semble découvrir le véritable amour auprès du jeune Sébastien de Valmont qu’elle s’inquiète des pulsions qui l’anime et prend la décision de se confier à son curé.

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Tome 3 : L'hallali des amants
Scénario : Stéphane BETBEDER
Dessin : DJIEF
Couleurs : Axel GONZALBO
Dépot légal : Octobre 2019
Editeur : Glénat
Collection Graphica
ISBN : 978-2-924997-01-7
Nombre de pages : 64On sait que la fréquentation des soirées mondaines procure beaucoup de plaisir à de Valmont. Un soir, il remarque une très belle femme nommée Diane qui lui donne aussitôt l’impression d’une personne manifestement très sûre d'elle. Il la voit comme une chasseresse implacable. En temps normal, c’est lui qui prend l’initiative, qui joue le rôle du dominant, du chasseur. Malgré tout, il pense en faire son affaire et se lance dans un jeu dangereux en prenant le risque de devenir la proie. Mais voilà qu'apparaît la marquise de Merteuil, celle qu'il veut conquérir à tout prix et qui va occuper toutes ses pensées. Le jeu va prendre une tournure bien plus compliquée qu'il n'y paraît et ne saurait rester sans lourdes conséquences.

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Mon avis: Si le roman épistolaire "Les Liaisons dangereuses" écrit par Pierre Choderlos de Laclos et publié en 1782 a fait l’objet de multiples adaptations (cinéma, roman, théâtre, télévision, chanson, comédie musicale, etc.), personne n’avait osé s’aventurer à en imaginer le prologue… sauf Stéphane Betbeder et Djief. Il fallait oser et ils l'ont fait ! Dans ces "Préliminaires", ils nous proposent ce qui a bien pu se passer avant les événements racontés dans ce roman épistolaire constitué de 175 lettres, autrement dit durant la jeunesse des deux principaux personnages. Et cela en s’efforçant de conserver le même style avec des chapitres et des correspondances croisées. On se laisse guider et transporter à travers ce siècle dit des Lumières mais à domination masculine au cours duquel cette jeune fille va progressivement se révéler dominante, manipulatrice, libertine, intrigante et indépendante à mesure qu’elle devient femme. Valmont va également prendre de l'assurance pour participer à toutes ces fêtes frivoles et devenir tout aussi manipulateur, dominant et "fin" stratège. Et au final, on va découvrir comment ces deux êtres finissent par se rencontrer et prendre bien plus de risques qu'ils ne laissent transparaître. Une fiction réussie, largement documentée qui est l’occasion de dépeindre les mœurs de l’époque, les lacunes en matière d’éducation des femmes, la frivolité d’une haute société libertine, les inégalités et injustices d’une société dominée par l’hypocrisie à travers le jeu mondain et les manipulations auxquels se livrent la Marquise Isabelle de Merteuil et le Vicomte Sébastien de Valmont.
Le dessinateur québécois Djief, qui nous a largement convaincu de son savoir-faire avec sa série "Broadway – Une rue en Amérique" (Quadrants, 2014-15), nous régale d’un travail exceptionnel sur ces très belles femmes tantôt presque nues, tantôt vêtues de robes aux larges décolletés. Mais les autres personnages de la série sont tout aussi expressifs, aristocrates et gentilshommes, femmes et enfants de l’aristocratie, servantes et autres employés de maison. Si l’univers libertin et sensuel est magnifiquement rendu, on plonge dans une succession de scènes détaillées dont on apprécie la richesse des costumes et les superbes décors intérieurs et extérieurs souvent très impressionnants. Un travail soigné et documenté bénéficiant d’une mise en couleurs travaillée, variant les nuances pour restituer l’ambiance des diverses scènes évoquées.
Une belle performance destinée à un public varié et de tout âge.
SDJuan



