Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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LAYLA Conte des marais écarlates
- Par asbl-creabulles
- Le 27/09/2018
Layla - Conte des marais écarlates
Scénario : Jérémy
Dessin : Mika
Couleurs : Alexandre Boucq, Mika & Hamo
Dépot légal : Septembre 2018
Editeur :
Nombre de planches: 94Grenoye se souvient de sa rencontre avec Layla, créature aussi belle et sensuelle que dangereuse, lorsque cherchant des champignons pour soulager sa mère malade il s'était retrouvé par hasard dans les Marais Écarlates, ce lieu interdit à tout homme quelque peu sensé. Il se souvient de ce serpent qui l’avait surpris et fait tomber dans cette rivière où le destin avait décidé de le conduire. Il se souvient surtout de cette femme nue au milieu des serpents et portant une pierre rouge au cou. Il se souvient enfin du désir qui l’avait alors envahi. Mais il n'a jamais su pourquoi la créature l'avait épargné. Treize ans plus tard, à Nosgrey, capitale en déclin du royaume de Flyne Yord, Grenoye – qu’on surnomme grenouille – a perdu sa mère et se retrouve à la rue. Il devra sa survie à ses dons de cuisinier qui vont lui permettre de remonter la pente pour vivre auprès d’Édith, son ancienne voisine et amie qu’il finira par épouser, même si son obsession pour Layla ne l’a jamais quitté. C'est à l’occasion de la fête d’anniversaire de Syrénia, la fille du roi Ragnar Falx, que Layla va réapparaître même si Grenoye aurait sans aucun doute préféré la revoir dans d'autres circonstances. En effet, Layla vient d’assassiner le roi qui s'est jeté sur elle pour lui arracher l'Escarboucle, cette pierre rouge source d'immortalité et de puissance, Grenoye s’étant alors senti comme obligé de tuer à son tour pour la protéger et la sauver. Alors qu’il est devenu père de famille et a retrouvé un semblant de vie heureuse, la situation va vite se dégrader car la convoitise de la reine Syrénia pour les nouvelles terres enneigées et sa soif de pouvoir vont venir tout bousculer.
Mon avis: Disons-le tout de suite, avec Layla Jérémy nous offre un premier scénario captivant et réussi. Une plongée dans l'univers du fantastique de la "dark fantasy" qui lui a été inspirée par la lecture du roman de Marcel Aymé "La Vouivre" qui met notamment en scène un personnage de légende, sorte de sauvageonne protégée par des vipères lorsqu’on essaye de lui voler le rubis ornant son diadème. Amour-passion, cruauté, sorcellerie, soif de pouvoir, vengeance sur fond de mythes et légendes sont les maîtres mots de ce récit concocté avec un savoir-faire surprenant, un souci du détail impressionnant, une montée en puissance des plus efficaces. Grâce au héros Grenoye, on découvre les Marais Écarlates où vit la Vouivre Layla, qui peut se transformer soit en créature fantasmagorique et sensuelle soit en serpent implacable et mortel. Elle-même est devenue immortelle grâce à l'Escarboucle, ce joyau suspendu à son cou, qui est en général la dernière convoitise de ceux qui vont devenir ses victimes. Qui ne connaît pas Jérémy Petiqueux ? Jeune coloriste des séries "Murena" et Complaintes des Landes Perdues" au début des années 2000 auprès du prodigieux Philippe Delaby qui nous a quitté bien trop tôt. Puis en 2010 le dessinateur/coloriste Jérémy de la série en six tomes "Barracuda" toujours avec Jean Dufaux au scénario et depuis 2017 le dessinateur de la série "Les Chevaliers d'Héliopolis" avec au scénario cette fois Alejandro Jodorowsky et une mise en couleurs confiée au devenu célèbre Felideus. Et en 2018, Jérémy est de retour avec Layla, un one shot de 94 pages dont il avait le scénario depuis longtemps. Il nous raconte l'amour de Grenoye pour cette créature, sa passion qui ne le quittera plus et le mettra en danger plus d'une fois et remettra en question sa propre vie, ses propres choix. Un innocent entre les mains d'une créature si libre, si indépendante, si forte, si puissante, si impitoyable aussi avec les hommes qui veulent la soumettre ou la déposséder de son joyau. Cela faisait 10 ans que Jérémy voulait sortir ce projet de son placard.
Ayant commencé à apprécier la BD avec Peter Pan de Loisel, sa rencontre avec Mika a été l’élément déclencheur car son style s'approche de l'univers de Loisel et le résultat est tout simplement bluffant. Car au dessin, Mika (qui a notamment travaillé sur les Contes du Korrigan et Les Contes de Brocéliande) nous livre un album d’une grande beauté, avec des décors très réussis et des personnages hauts en couleurs. Le résultat est tout à fait impressionnant, autant les scènes brûlantes ou simplement sensuelles, que celles en forêt ou dans des environnements médiévaux et même les scènes de combat. Mika maîtrise bien ses personnages à commencer par Layla, la femme serpent. La mise en couleurs du trio Hamo, Alexandre Boucq et Mika sert parfaitement cet album qui mérite vraiment le détour.
SDJuan
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APOCALYPTI GIRL
- Par asbl-creabulles
- Le 26/09/2018
One shot
Scénario : Andrew MacLean
Dessin : Andrew MacLean
Couleurs : Andrew MacLean
Dépot légal : Août 2018
Editeur :
Collection : Paperback
Nombre de planches: 88À force de s'entretuer, les hommes ont quasiment disparu de la planète en la laissant à l’état de ruines. Du temps où les peuples étaient unis, ils avaient découvert au fond des océans une source d’énergie illimitée qu’ils avaient appelée "photon magistral". Mais la lutte pour son contrôle avait fini par provoquer l’apocalypse. Puis la nature et la végétation ont lentement repris le dessus et désormais deux clans d’humains, quasi des mutants, s’affrontent et s’entretuent: les bleus et les barbes grises. Au milieu de cet univers désolé peuplé de ces tribus sauvages et de robots, Aria poursuit sa mission, semblant oublier qu’elle l’a entreprise il y a 6 ans déjà! Sa seule occupation consiste à tenter de retrouver l’énergie perdue pour réparer un "mecha" (prononcer méka) géant, autrement dit un robot qu’elle a surnommé "Gus". A ses côtés également, son petit compagnon, le chat Réglisse.
Mon avis: Sur fond d’univers post apocalyptique, Andrew Maclean parvient à traiter un sujet sérieux avec une certaine drôlerie, en grande partie due au caractère de son héroïne, Aria, dont il fait un personnage plutôt charismatique, entourée de son chat et de son robot qu’elle s’efforce (en vain) de réparer. Si le récit semble un peu déjanté, on n’en découvre le véritable objectif que vers la fin et au final l’ensemble s’achève sans vraiment avoir répondu à l’attente qu’on concevait au départ.
Le dessin dans un style semi-réaliste est lui aussi déconcertant lorsqu’on entame la lecture de l’album. Rassurez-vous, on s’y habitue. Andrew Maclean a choisi de se démarquer franchement en adoptant des formes plutôt longilignes ainsi que des cadrages et couleurs plutôt inattendus. Son travail est une sorte de mélange entre animation, manga, film de science-fiction et anciens comics d’aventure américains. Un titre original, sans doute pas le meilleur album de la collection Paperback dont on a beaucoup apprécié Mech Academy ou Magnus.
SDJuan1
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L'ART DE MOURIR
- Par asbl-creabulles
- Le 24/09/2018
Scénario : Raule
Dessin : Philippe Berthet
Couleurs : Dominique David.
Traduction : Geneviève Maubille
Dépot légal : Août 2018
Editeur :
Collection : Ligne Noire
Nombre de pages: 64Barcelone. La police enquête sur le suicide d'Emma Bellamy Martin, une jeune étudiante en histoire de l’art qui mentionne un père qu’elle n’a jamais connu dans une lettre retrouvée près de son corps. À la demande de l’inspectrice Gimeno, Philippe Martin, un policier parisien séparé de sa femme Sophie Bellamy depuis près de 25 ans, est venu à Barcelone pour identifier le corps. Si selon toute apparence, Emma se serait suicidée, Philippe tient à comprendre son geste. S’efforçant de retracer ses derniers jours, sa première piste le conduit auprès de Folch, son ex petit ami membre d’une famille très aisée. En interrogeant sa mère, Philippe comprend tout de suite qu’elle lui ment lorsqu’elle affirme que Folch n'est pas présent à la maison. Et, en effet, quelques instants plus tard Philippe le voit sortir. Remarquant son comportement étrange, Philippe décide de le suivre. C'est en interrogeant le jeune peintre auquel Folch est venu rendre visite et avec lequel il s’est disputé que Philippe commence à comprendre que sa fille n’a pas pu se suicider.
Mon avis: Qui mieux qu’un scénariste né et vivant à Barcelone pourrait imaginer un polar bien noir se déroulant dans sa ville ?!? Un polar des plus efficaces avec son lot de rebondissements et de volte-face autour d’une intrigue dont la tension se ressent tout au long de l'album. Raule sait jouer avec les codes du genre, comme il nous l'a déjà largement démontré. De plus, il utilise habilement cette aventure d'un père à la recherche de la vérité sur la mort de sa fille pour nous faire visiter la ville qu'il connaît dans ses moindres recoins, tant les beaux quartiers que les plus déshérités ou les plus dangereux. Raule nous a déjà offert de très bons albums et séries comme Jazz Maynard (2007), Arthus Trivium (2016), Vies à Contre-Jour (2011), Isabellae (2013) illustrés par de talentueux dessinateurs espagnols comme Roger, Gabor ou Landa.
Mais cette fois le voici avec un auteur que l'on ne présente plus: Philippe Berthet ! Un spécialiste de l’esthétisme et du polar également. Son trait efficace et élégant est reconnaissable entre tous. Ses personnages sont charismatiques, ses décors bien fournis et travaillés, son découpage des cases souvent original, l’ensemble bénéficiant d’une belle mise en valeur par les couleurs à l’aquarelle de Dominique David. L’album est également très documenté, Berthet n’ayant pas hésité à se rendre sur place prendre des photos et s'imprégner de l'ambiance notamment lors d’un séjour à l’occasion des "Jornadas Comiqueras" auxquelles il fait un clin d'œil dans la BD. Poursuivant sur la lignée de Perico (avec Régis Hautière), Le Crime qui est le tien (avec Zidrou), Motorcity (avec Sylvain Runberg) dans la collection "Ligne Noire" dédiée aux polars en one-shot ou diptyque, ce nouvel album est une belle réussite et permet à Philippe Berthet de faire une nouvelle fois la démonstration de son talent.
MThomas et SDJuan Case de la dernière page de l'album oblige! MDR
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HOLLY ANN 4
- Par asbl-creabulles
- Le 20/09/2018
Tome 4 . L’Année du dragon
Scénario : Kid Toussaint
Dessin : Servain
Couleurs : Servain
Dépot légal : Septembre 2018
Editeur :
Nombre de planches :48La Nouvelle-Orléans. Au loin dans le bayou, sur une toute petite île, Holly Ann fait une macabre découverte: plusieurs Marrons, ces esclaves en fuite qui ont formé une communauté sans existence officielle, ont été massacrés et leurs cadavres semblent flotter dans les airs. Une cagoule du Ku Klux Klan et un flacon d'opium sont les seuls indices encore visibles, menant l’un à la piste du crime raciste et l’autre à celle d’un trafic d'opium qui conduit tout droit Holly Ann au "Dragon bleu", l’établissement de M. Gao Wang à Chinatown. Car sur l’île, quelqu'un a mis le feu, effaçant définitivement toute trace de l’agression.
Mon avis: Poursuivant sur le mode "récit complet", Kid Toussaint nous entraîne dans un épisode qui met Holly Ann à rude épreuve et qui accroche le lecteur dès le début. La Nouvelle-Orléans semble être une source inépuisable d'histoires pour notre héroïne, mêlant sorcellerie, magie, légendes et meurtres étranges et mystérieux. En combinant d’anciens esclaves noirs en fuite, l'opium et le Ku Klux Klan, Kid Toussaint nous offre ici un scénario qui maintient la tension au fur et à mesure que progresse l'enquête d’Holly Ann.
Au dessin, le travail de Servain est très agréable. Son trait nerveux et efficace donne tout de suite le ton sans pour autant négliger les décors et les détails, en particulier des visages très expressifs. Les pages sont bien équilibrées, alternant des cases bien remplies et des séquences plus aérées. Le choix restreint de couleurs chaudes ou froides pose bien l'ambiance tout au long de l'album. La couverture donne le ton, belle et efficace.Un bel album qui aurait sans aucun doute mérité une édition en noir et blanc.
SDJuan
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L'AGE D'OR
- Par asbl-creabulles
- Le 20/09/2018
Tome 1
Scénario : Roxanne Moreil et Cyril Pedrosa
Dessin : Cyril Pedrosa
Couleurs : Cyril Pedrosa
Dépot légal : Septembre 2018
Editeur :
Collection : Aire Libre
Nombre de planches : 232Après le décès du roi son père, Tilda sa fille aînée s’apprête à monter sur le trône. Pendant de longues années, elle a vu le petit peuple souffrir, mourir de faim et obligé de supporter à la moindre occasion les nouveaux impôts fixés par les seigneurs du royaume. Cette fois, elle compte bien lui venir en aide. Mais avant même son couronnement, son jeune frère dont l'entourage qui a comploté contre elle en s’assurant secrètement l'allégeance des seigneurs et vassaux pour la faire tomber, s’installe sur le trône et la condamne à l’exil sur l'île de Malefosse. Alors qu’on l’emmène de force vers sa nouvelle destinée, Tilda est secourue et libérée par TenKred de Malefort et son ami d'enfance Bertil. Blessée dans sa fuite, elle sera recueillie ainsi que ses amis par les membres – uniquement des femmes – d’une communauté secrète établie dans la forêt d'Aumale. C'est là que leur sera dévoilée l'existence d’un livre mythique nommé "L'Âge d'Or" dont on dit qu’il pourrait changer le monde. Mais ce n'est pas la seule révélation qui attend Tilda et ses amis, tandis qu’une révolte est en marche.
Mon avis: "L'Âge d'Or" se présente comme un conte onirique sur un univers où tout le monde devrait vivre en parfaite harmonie mais où le peuple, qui mène une existence moyenâgeuse, va finir par se révolter contre les seigneurs et leurs vassaux, contre un système qui l'opprime chaque jour un peu plus. Ce peuple pour lequel la révolte semble être le seul moyen d’atteindre l’idéal et surtout ce monde utopique tel que le décrit le récit légendaire contenu dans le livre dont tout le monde parle. Cette fable médiévale, un rien féministe, happe le lecteur dès les premières pages. Et bien que d’une taille conséquente, elle se lit d'une traite, preuve s’il en est du talent de Roxanne Moreil qui a très habilement parsemé cette aventure de nombreux éléments et références historiques et même d’une réflexion sur le système de pouvoir politique.
L’illustration retenue par Cyril Pedrosa, qui fait tout de suite penser aux enluminures du Moyen Âge, contribue largement à l’attrait de l’album. Une illustration tout aussi surprenante par son originalité et sa créativité mais, comme pour le récit, on se sent tout de suite transporté par l'aventure. Une belle palette de couleurs flamboyantes pour des illustrations, des cases qui se rapprochent davantage de la fresque que du dessin en soi. Un premier album d'un diptyque qui vaut vraiment le détour.
SDJuan
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LA MORT VIVANTE
- Par asbl-creabulles
- Le 14/09/2018
La mort vivante
Scénario : Olivier Vatine
Dessin : Alberto Varanda
Couleurs : Olivier Vatine et Isabelle Rabarot
Adapté de : Stefan Wul
Dépot légal : Août 2018
Editeur : Comix Buro
Nombre de pages : 68La Terre dévastée n’est plus qu’un chantier de fouilles archéologiques. À la recherche d’objets intéressants qu’elle pourrait revendre à prix d'or, Martha est en plein travail lorsqu’elle entend Lise, sa fille de 10 ans, hurler. La gamine vient de tomber dans un précipice gigantesque. N’ayant pas survécu à sa chute, son corps est remonté par des poulpes tripodes. Totalement anéantie, Martha charge son collègue Alex de rencontrer sur Mars un jeune scientifique spécialiste en nanobiologie nommé Joachim qui, malgré l'interdiction des hautes sphères scientifiques, a mené avec succès des tests sur le clonage. Car désormais pour Martha une seule chose importe, pouvoir serrer de nouveau sa fille dans ses bras. Voyant dans le désir de Martha une occasion unique de poursuivre ses travaux, Joachim accepte. Alex, Joachim et un cyborg nomme Ugo rejoignent la Terre. Discrètement installés dans un ancien château, l’expérience sur la dépouille de Lise peut commencer, mais la Mort n’a pas dit son dernier mot !
Mon avis: Avec "La Mort vivante", Olivier Vatine adapte en BD le célèbre roman du même nom de l’écrivain de science-fiction Stefan Wul dont il a déjà adapté avec succès Niourk (trois albums BD parus entre 2012 et 2015). Il a conservé la trame principale d’un monde post-apocalyptique où les humains habitent sur Vénus (devenue Mars dans la BD) car sur la Terre recouverte par les eaux, quelques rares îlots ont subsisté, notamment les sommets des Pyrénées où se déroule une partie de l'action. Vatine s’est efforcé de rester fidèle au roman, se limitant à moderniser certains contenus et termes remontant à 1958. Le début captivant nous met tout de suite en condition et nous entraîne dans un univers inquiétant dans lequel une tragédie va pousser une mère à franchir les limites humainement acceptables. Un one shot de 72 pages, très dense et passionnant de bout en bout. Seul petit regret, on aurait aimé avoir davantage d’explications sur le changement de nature de Lise peu après son réveil.
Sur un story-board de Vatine, les dessins de Varanda sont de toute beauté. Manifestement il s’agit d’un travail pensé pour le noir et blanc et heureusement préservé par une mise en couleurs confiée à Isabelle Rabarot et Olivier Vatine la plus légère et délicate possible pour ne rien perdre des illustrations de Varanda. Car Varanda a ce don de nous surprendre avec de nouveaux styles, de nouvelles façons de travailler pour un résultat de qualité. C’est encore le cas ici où il fait appel à un trait précis presque pointilleux. Il utilise principalement des hachures pour marquer les jeux de lumière, les demi-teintes ou les ombres de son dessin, pour souligner les formes, pour créer les ambiances. Ajoutons des cadrages très efficaces, un très bel équilibre des cases et des pages, des décors particulièrement évocateurs, des personnages hors du commun tant du point de vue de leur personnalité que de leur représentation graphique.
Planche en N&B
Édité chez Glénat, en association avec les Éditions Comix Buro basées à Montpellier sous la direction d’Olivier Sztejnfater et Olivier Vatine, cet album existe en trois versions, normale couleur, Canal BD avec couverture différente et cahier graphique et version grand format N&B avec couverture différente et carnet de croquis.
SDJuan
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MAGNUS
- Par asbl-creabulles
- Le 12/09/2018
Scénario : Kyle Higgins
Dessin : Jorge Fornés
Couleurs : Jorge Fornés
Dépot légal : Août 2018
Editeur :
Collection : Paperback
Format : Format normal
Planches :1442050. Depuis que les humains ont développé l’Intelligence Artificielle (IA), les choses ont bien évolué. À présent, les robots sont présents partout, notamment domestiques ou les robots animaux de compagnie. Mais surtout ils jouissent d’une large autonomie et se sont créé un monde virtuel sur mesure où eux seuls peuvent se rendre 4 heures par jour pour se retrouver entre robots, échapper au monde réel ou fuir leurs créateurs. Certains d’entre eux aspirent à plus d'autonomie encore, d’autres à une émancipation totale jusqu’à ce jour où un robot nommé Frederick assassine ses maîtres, parmi lesquels le fondateur et directeur de l'entreprise high tech "Looking Glass", l'une des principales société d'intelligence artificielle. Dès lors, la violence va s’inviter dans les relations avec les humains bousculant tous les codes établis. Devant la gravité de la situation, la police fait appel à Kerri Magnus, l’une des meilleures psychologues en I.A. et robots délinquants. Kerri grâce à son cerveau en quelque sorte immunisé possède le don de pouvoir se rendre et séjourner dans le monde virtuel où les robots se sentent libres de vivre leur vie artificielle comme ils l'entendent.
Mon avis: Avec "Magnus", Kyle Higgins aborde le thème de la liberté et du respect que devraient avoir les humains envers des créations qui les égalent voire les dépassent. En rendant l’IA de plus en plus performante et sophistiquée et, du coup, plus proche de lui, l’homme lui a ouvert la porte d'une conscience, d'un désir d'en apprendre davantage, de devenir un être à part entière, autonome, libre et respecté. Il faudra ce massacre pour réveiller les consciences. Car il faut vite retrouver le robot coupable pour calmer les esprits et empêcher tout mouvement de panique chez les humains qui désormais ont tous un ou plusieurs robots chez eux.
Le scénario trouve sa principale originalité dans la présence d’une psy, ancienne chasseuse de primes, qui est la seule à avoir psychologiquement supporté, sans perdre la raison, de voyager dans ce qu’on appelle le "cloud" entre les deux mondes et donne lieu à plusieurs scènes décrivant des situations étonnantes et très impressionnantes. Les dialogues bien ciselés fonctionnent et nous interpellent.
Les dessins de Jorge Fornès (Avengers, Batman, Doctor Strange, X-Men, etc.) sont à la hauteur de ce scénario intelligent. Les cases sont bien pensées et très efficaces, distinguant bien le monde réel du virtuel, passant ainsi de plans sobres et conventionnels à des pages "explosées" lors de la rentrée dans l’univers de l’IA, le tout bénéficiant d’une mise en couleurs agréable.
Cet album surprenant constitue une belle surprise de la rentrée.
SDJuan
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CHARLOTTE IMPÉRATRICE
- Par asbl-creabulles
- Le 10/09/2018
Tome 1/4 : La Princesse et l'Archiduc
Scénario : Fabien Nury
Dessin : Matthieu Bonhomme
Couleurs : Isabelle Merle
Dépot légal : Août 2018
Editeur :
Nombre de planches : 68La princesse Charlotte de Saxe-Cobourg-Gotha, fille du roi Leopold 1er de Belgique, a perdu sa mère alors qu'elle n'était qu'une enfant. À l’âge de 16 ans, elle doit choisir un époux, l'archiduc Maximilien, prince cadet de la famille des Habsbourg, ou le futur roi Pierre V du Portugal. Alors qu’elle semblait promise à ce dernier, sa première rencontre avec Maximilien va se révéler décisive. Animés par des passions communes au plus grand bonheur de leurs familles, Charlotte et Maximilien vont rapidement tomber amoureux. La suite s’annonce prometteuse même si en coulisses on négocie encore à Lisbonne à grand renfort de promesses d’une dot exceptionnelle. L’union entre le prince Maximilien de Habsbourg et la princesse Charlotte est finalement célébrée le 27 juillet 1857, ouvrant un horizon favorable pour le couple. Après la nomination de Maximilien comme gouverneur du royaume de Lombardie-Vénétie, le couple voyage en Italie où il mène grande vie à Venise ou Milan. Tout semble aller pour le mieux jusqu’à la défaite de Maximilien face aux troupes de Napoléon qui s’est emparé de la Lombardie. Dès lors, le ciel s’assombrit et leur mariage perd de sa fougue. Charlotte ne supporte pas d’être enfermée dans son palais qui bien que luxueux lui semble une prison. L'intervention de son frère Philippe, comte de Flandre, va remettre un peu d'ordre dans une situation de plus en plus difficile. Le Mexique dont Maximilien a accepté de devenir l’empereur sera la carte maitresse de Charlotte pour enfin faire bouger les choses.
Mon avis: Si la vie d’Élisabeth de Wittelsbach, impératrice d’Autriche, autrement dit "Sissi", est universellement connue, c’est bien celle de sa belle-sœur, Charlotte de Belgique, que Fabien Nury nous propose d’explorer, construisant un univers d'une richesse incroyable. Avec son talent habituel, partant d’une histoire sombre, il parvient à faire jaillir de la lumière en y insérant même une petite dose d'humour. Débutant par un drame – la mort de la mère de Charlotte – le scénario se poursuit par une véritable romance. Innocente, d'une fraicheur éclatante, promise à un avenir radieux auprès du futur roi du Portugal, Charlotte va pourtant succomber au charme de Maximilien, vivre un mariage fastueux et caresser l’espoir d’une vie heureuse. Mais alors que tout semble aller comme sur des roulettes, la réalité va vite reprendre le dessus et la déception sera d’autant plus forte lorsqu’elle découvrira les faiblesses et la fragilité de Maximilien – frère cadet de l'empereur d’Autriche François-Joseph Ier. Car Maximilien est manipulé, relégué au second plan et isolé dans cet enchevêtrement d’empires et d’arrangements politiques. Il faudra toute l'intelligence de Charlotte pour remonter une pente qui semblait les mener droit en enfer.
C’est en s’intéressant à l'histoire du Mexique que Fabien Nury a découvert celle de la princesse Charlotte. Ses questionnements sur ses origines, sa vie, sa présence au Mexique l’ont poussé à explorer son passé et à se lancer dans l’écriture de cette nouvelle série. Et pour la première fois, il travaille sur un personnage féminin comme personnage principal. Le défi était lourd: réfléchir à une thématique forte, choisir les séquences, développer de nouveaux horizons, créer de l'empathie envers des personnages sombres. Mais comme pour lui, "plus c'est dur, plus c'est bon", il était prêt à faire du neuf avec un sujet jamais abordé. Le récit est donc mené tambour battant, mélange habile de faits historiques et de fiction déroulant sous nos yeux jeux de pouvoir, manipulations, enjeux et compromis diplomatiques et géopolitiques, drame familial, folie, déchéance.
Les dessins de Mathieu Bonhomme sont de toute beauté, multipliant les scènes à couper le souffle: le mariage, Charlotte devant le papillon, les décors, uniformes, costumes, toilettes et robes élégantes. Les cadrages, plans, perspectives et plus généralement le découpage des cases font preuve d’audace, parfois larges entrecoupées de toutes petites cases, avec des gros plans révélant les émotions, des yeux brillants de vie, écarquillés, des plongées et contre-plongées. Tout est réuni pour nous offrir un premier tome de toute beauté où les couleurs d’Isabelle Merle soulignent parfaitement le faste de l’empire. Un beau récit historique prometteur.
À noter qu’une version N&B Canal BD parue simultanément permet d’apprécier toute la précision du travail de Matthieu Bonhomme.
SDJuan