COMIC BARCELONA 2024

42^e édition du Festival de la BD de Barcelone ces 3, 4 et 5 mai 2024. L’affiche de l’exposition a été réalisée par la dessinatrice et scénariste galicienne Emma Ríos, particulièrement active dans le comics américain. Une illustration inspirée et poétique qui évoque davantage son travail pour le marché espagnol, notamment Bella Muerte.

Comic Barcelona, cette grande messe espagnole de la BD a rassemblé dans les pavillons 2 et 5 de Fira de Barcelona Montjuïc, l’ensemble des acteurs et intervenants d’un secteur particulièrement dynamique.
Créabulles a longuement parcouru les allées du salon à la rencontre des exposants et des auteurs et constaté que si la BD dite franco-belge est bien présente en version espagnole sur les stands des nombreux éditeurs, la création nationale est, elle, bien vivante et très concrète à en juger par l’abondance des ouvrages proposés sur ces mêmes stands, mais aussi par le nombre important de dessinateurs locaux présents en dédicace pour un public venu en nombre.

C’est très rassurant quant à la vivacité du marché espagnol de la bande dessinée. Car il ne faut pas non plus oublier tous ces auteurs et autrices qui travaillent pour le marché US (Marvel, DC Comics, etc.), tels que Pepe Larraz, Belén Ortega, Bruno Redondo, Fernando Blanco, Pasqual Ferry, Jorge Fornés, pour ne citer qu’eux.

Comme de coutume, une multitude d’activités a été prévue durant ces trois journées pour que chacun y trouve son compte. L’événement connaît d’ailleurs un succès populaire jamais démenti et 2024 l’a encore confirmé puisque Comic Barcelona s’est achevé sur un bilan plutôt positif en attirant, avec plus de 110.000 personnes, un public très varié dont beaucoup de jeunes visiteurs.

 Les salles du pavillon 5 ont accueilli la plupart des activités : présentation des nouveautés des différentes maisons d’édition (salle 3), tables rondes et conférences dont certaines proposées par la célèbre Escola Joso, entretiens, interviews, débats, master class dans les salles 5 et 6 sans doute les plus sollicitées et, bien sûr, la salle de cinéma qui proposait une programmation variée mêlant surtout animation et documentaires (dont ceux consacrés cette année à Paco Roca et Francisco Ibáñez) souvent en présence des principaux créateurs et/ou artistes.
Le volet "culturel" est largement mis en avant à travers plusieurs expositions visibles dans le pavillon 5 offrant aux amateurs la chance de se faire plaisir et de découvrir d’innombrables pièces de collection rassemblées en un lieu unique.

Le grand hall d’accueil accueillait cette année une expo hommage à la dessinatrice et illustratrice Trini Tinturé décédée en janvier 2024, principalement connue pour ses collaborations à des revues destinées aux jeunes filles en Espagne (série Emma es encantadora publiée dans l’hebdomadaire Lily puis éditée en albums) mais aussi à des publications pour les marchés britannique, néerlandais et allemand.

Créabulles a particulièrement apprécié la magnifique exposition hommage au dessinateur Francisco Ibañez décédé en juillet 2023. 

Cette rétrospective intitulée "Nuestro Ibáñez" occupait un large espace illustrant sa longue carrière de dessinateur entamée au milieu des années 1950. On pouvait y admirer une large sélection de planches originales prêtées notamment par sa fille Nuria Ibáñez, Paco Buena et Antoni Guical dont beaucoup de la série Mortadelo y Filemón.

Sur de larges panneaux, on pouvait également découvrir les dessins réalisés en hommage à ce grand dessinateur disparu en 2023 par près de 90 auteurs, et notamment ceux figurant dans le livre hommage publié en 2023 par Brughera du groupe Penguin Random House sous le titre "Ibáñez : El Maestro de la Historieta" avec des textes du journaliste et critique de bande dessinée Jordi Canyissà.

Celui-ci a d’ailleurs animé la conférence du dimanche après-midi intitulée El nostre Ibáñez réunissant José Luis Martin (auteur de Memorias de una revista satirica et fondateur de l’hebdomadaire d’humour et de satire politique El Jueves), la dessinatrice/illustratrice Raquel Gu (Guía genial para una chica como tú) et Antoni Guiral (100 años de TBO et tout récemment Carlos Pacheco : Los años de Forum) qui tous ont dressé le portrait d’un homme d’une créativité exceptionnelle, travailleur infatigable et prolixe, qui a laissé une œuvre considérable et qui allait facilement à la rencontre de son public. JL Martin a rappelé l’hommage posthume que lui a rendu la mairie de Barcelone en installant plusieurs feux de signalisation pour piétons à l’effigie de ses personnages les plus appréciés, Mortadelo sur le feu vert et Filemón sur le feu rouge (l’un d’eux est visible à côté de la Plaza de Catalunya, à l’angle du Corte Inglès en traversant Ronda de Sant Pere vers Passeig de Gràcia).

D’autres expositions étaient proposées au niveau inférieur du pavillon 5 : Brujas, la représentation des sorcières par divers dessinateurs et dessinatrices, notamment les "faiseuses de sorts" ou sorginak du pays basque des deux côtés de la frontière ; un hommage à la saga Mad Max intitulé Tributo a Mad Max largement illustré par les contributions de plusieurs auteurs espagnols et étrangers reproduites en images de grande taille sur des panneaux ;

Premios IVÀ 30 años (ce prix a été créé en 1994 après la mort soudaine de l’auteur Ramon Tosas dit Ivà en juillet 1993. Il est représenté par le personnage emblématique de l’auteur disparu, Makinavaja, que les auteurs participant ont dessiné chacun à leur manière ; un peu à l’écart, enfin, l’exposition Blacksad : Work in Progress, à côté d’une statue d’une taille imposante de Blacksad proposait un grand panneau illustrant de manière didactique les étapes de la création du personnage du point de vue du scénario et de l’illustration. Vu le succès de la série Blacksad, on aurait pu s’attendre à une exposition mieux mise en valeur.Après avoir traversé la Plaza de l’Univers et s’être arrêté à l’un ou l’autre food-truck, on pénètre dans le pavillon P2 où l’on retrouve l’agencement désormais habituel : une première zone réunissant les stands des très nombreuses maisons d’éditions de taille plus modeste ou plus spécialisées (Astiberri, Cartem, Dolmen Editorial, Ediciones La Cúpula, Ominiky Ediciones, Ponent Mon,Tengu, Trilita, etc) ainsi que quelques vendeurs/marchands (comics, albums, objets, figurines, objets para-BD, etc.) et des ateliers l’un dédié au comics, l’autre à l’animation ; une seconde zone sous la forme d’un grand hall d’exposition relativement peu rempli (vu les espaces restés vides de toute occupation) où l’on retrouve les grands noms de l’édition comme Abacus, ECC, Norma Editorial, Panini Comics, Planeta Cómic, Penguin Random House ainsi que les distributeurs/librairies comme La Casa del Libro. C’est là également qu’étaient installés l’Artist Alley et l’espace consacré aux fanzines. Parmi les nouveautés de cette année, une zone dite Utopia ciblée Fantastic Graphic soulignant l’apport créatif de la littérature de genre fantastique aux dessinateurs, complétée par l’exposition consacrée aux sorcières et quelques conférences-débats sur cette nouvelle thématique.

Si Comic Barcelona donne aussi la possibilité à de jeunes auteurs de rencontrer et de montrer leur travail aux divers représentants des maisons d’édition, un peu comme une sorte de speed-dating professionnel, il est pour Créabulles l’occasion de rencontrer et de prendre contact avec les dessinateurs en vue notamment de futures expositions, et de recueillir quelques dédicaces pour les prochaines opérations caritatives. Mais tous ces contacts nécessitent beaucoup de préparation et de temps et empêchent parfois d’assister à toutes les conférences et/ou interviews souhaitées, comme celles de Paco Roca ou Juanjo Guarnido. Heureusement, l’entretien entre Cels Piñol lui-même dessinateur et illustrateur et Pepe Larraz a été un moment fort de notre séjour. Pepe Larraz est plutôt volubile et son intervention sur le thème "Du comics espagnol à Marvel" a été très dynamique et instructive et largement teintée d’humour.

La chance nous sourit aussi parfois lors de rencontres surprises comme celle avec Enrico Marini et son ancien éditeur aux USA, Jim Chadwick, marquée par un échange très intéressant et enrichissant à l’occasion de repas avec nos amis.

Comme tout grand festival dédié à la bande dessinée, Comic Barcelona a proposé un large programme de séances de dédicaces, en majorité des auteurs espagnols mais aussi des invités internationaux, Posy Simmonds, Grand Prix du Festival d’Angoulême 2024, Tanino Liberatore, Erik Kriek, Georges Bess, Sana Takeda, Stefano Casini, auxquels il convient d’ajouter quelques auteurs invités par les maisons d’édition comme Enrico Marini chez Norma Editorial.

Et, bien sûr, comme dans tout salon de BD, anime ou jeu vidéo, il est plaisant et amusant de croiser dans les allées de très nombreux cosplayers faisant preuve d’une grande créativité et inventivité pour leurs costumes et déguisements.

Le festival est également l’occasion de promouvoir des nouveautés, par exemple cette année l’album Un oscuro manto de Jaime Martin, une histoire de guérisseurs dans une ville reculée des Pyrénées au XIXe siècle, qui sera bientôt publié en français ou celui déjà paru en français, le Dieu Sauvage de Roger et Vehlmann..

Le Grand Prix du festival a été décerné à Marika Vila en récompense de son immense travail de dessinatrice et illustratrice mais aussi théoricienne et militante féministe.
Prochain rendez-vous en 2025, au début du mois d’avril, peut-être même dans un autre lieu que Fira de Barcelona Montjuïc si l’on en croit certaines rumeurs entendues cette année.