Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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DEUXIÈME BUREAU
- Par asbl-creabulles
- Le 09/07/2024
Tome 1 - Le magnétron
Scénario : CHACMA
Dessin : Brice GOEPFERT
Couleurs : Fabien BLANCHOT
Dépot légal : juin 2024
Editeur : Kennes - Les 3 as
Grand format
ISBN : 9782380758634
Nombre de pages : 64Maryse Maréchal est pilote civile. Régulièrement, à bord de son bimoteur de tourisme, elle promène des voyageurs fortunés au-dessus des fortifications militaires de la "Ligne Maginot" même si le survol en est strictement interdit. Aujourd’hui, un photographe nommé Gontran l’accompagne quand, soudain, leur avion est la cible de tirs de la part d’un Heinkel de la Luftwaffe tandis qu’au sol des soldats de la Wehrmacht semblent observer ce combat aérien. Aucun d’eux ne devraient se trouver en Rhénanie. Leur présence est illégale et constitue un acte de guerre. À leur retour, Maryse et le photographe sont conduits de force au Quartier Roques. Là, Maryse qui travaille en fait pour le "Deuxième bureau", autrement dit les services français de renseignement, apprend que Gontran est un agent double. Mais ses clichés du jour seront fort utiles au Ministère de la Guerre. La couverture de Maryse est chargée d’une nouvelle mission : se rendre à Paris où vont se réunir la France, la Belgique, l’Italie et la Grande-Bretagne pour témoigner de ce qu’elle et son collègue photographe ont vu. Elle devra aussi se mettre au service du capitaine Paillole en tant que nouvel agent infiltré pour remplacer un certain Alexis Leblanc, son instructeur auquel elle tenait tant, récemment décédé en Allemagne … En ces temps difficiles, la méfiance est générale et l’ensemble de la région regorge d’espions. Maryse ne fait pas exception à la règle. Pour quelques billets de plus, elle n’a pas hésité à trahir et fournir des photos au camp ennemi. Agent double non (encore) démasqué, elle espérait ainsi obtenir des informations sur son fils Michel détenu par les services allemands de renseignement … Ce matin-là sur l’aérodrome de Sarreborg-Buhl, elle embarque à bord de son bimoteur Potez à destination de Paris loin de soupçonner ce que lui réserve l’avenir …
Mon avis : Si au dessin le nom de Brice Goepfert, connu et apprécié pour son travail notamment sur Le Fou du Roy, Le Lys Noir, Les Chemins de Malefosse mais aussi Les Moines de Bourgogne et Le Vin des Papes dans la série Vinifera, était gage de qualité, au scénario celui de Chacma m’était moins connu… du moins jusqu’à ce je réalise que derrière ce pseudo se cache Charles-Louis Detournay largement apprécié de tout amateur de bande dessinée, entre autres pour ses activités chez ActuaBD. L’illustration de couverture, le titre, le sujet évoquant une nouvelle arme attisant les convoitises dans une atmosphère d’espionnage et de contre-espionnage sur fond de menace de guerre mondiale ont fini de me convaincre d’acheter cet album.
Dès les premières cases, dès les premières pages, on sent bien la patte du passionné d'histoire et sa facilité à nous raconter des histoires mêlant selon un habile dosage les faits réels et la fiction.
Le récit s’appuie sur le coup d’Hitler qui a décidé de récupérer et remilitariser la Rhénanie mais c’est l’ensemble de l’album qui regorge d’anecdotes historiques tout autant que de rebondissements.
Inspiré de la réalité, Maryse est aviatrice mais également espionne et on sait dès le début que pour des raisons purement matérielles elle aussi est agent double. Tous les personnages ont d’ailleurs été travaillés avec soin, chacun ayant un tempérament spécifique.
Les bulles sont organisées de manière originale, celles des cases, qui suivent la narration classique, étant complétées par du texte "off" qui nous tient en haleine. La lecture est agréable et la narration très fluide. On se doute qu’un gros travail de recherche notamment sur les services d’espionnage et les témoignages de l’époque a été effectué de même que sur le "fameux" magnétron précurseur de l’invention du radar qui sera un élément déterminant de la deuxième guerre mondiale.
J’imagine que Brice Goepfert, lui aussi passionné d’histoire, a dû se sentir à l’aise pour illustrer ce récit et avoir de nombreux et fructueux échanges avec Chacma.
Fidèle au style ligne claire et s’appuyant sur la documentation existante, il s’efforce d’être au plus proche de la véracité historique.
Ses planches témoignent d’un travail soigné et méticuleux, riche en personnages, en costumes et autres tenues vestimentaires et en décors. Il apporte aussi un soin tout particulier à la narration visuelle.
On n'est jamais déçu par Brice Goepfert.
Très belle mise en couleurs de Fabien Blanchot apportant volume et lumière au dessin.Un premier tome riche en anecdotes historiques qui, coïncidence du calendrier, fait écho à l’actualité avec la montée actuelle des extrêmes. On lira également avec intérêt les suppléments qui reviennent sur les faits marquants de 1936. Prochain épisode des aventures de Maryse et Abby dans le tome 2 à paraître en 2025.
SDJuan
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LES QUATRE DE BAKER STREET, T10
- Par asbl-creabulles
- Le 20/06/2024
T
ome 10 - Le Musée Noir
Scénario :Jean-Blaise DJIAN, Olivier LEGRAND
Dessin : David ETIEN
Couleurs : David ETIEN
Dépot légal : avril 2024
Editeur :
Grand format
ISBN : 9782749310107
Nombre de pages : 56Londres, 1895. Nos célèbres quatre francs-tireurs de Baker Street sont une nouvelle fois prêts à assurer une filature pour le compte de Sherlock Holmes. Charlie et Tom attendent leur ami Puck pour partir rejoindre Billy. Sherlock étant à cheval sur la ponctualité, ils se mettent en route quand soudain le vieil éclopé Bailey qui travaille pour Patch, le Roi des Mendiants de Londres, surgit d’un renfoncement obscur. Il leur annonce que Patch a "kidnappé" leur jeune ami Puck. S’ils veulent le revoir en un seul morceau, Tom doit rendre un petit service à Patch comme lorsqu’il "travaillait" pour lui au bon vieux temps. Tom n’hésite pas à semer la zizanie parmi ses amis en décidant d’aller seul à la rencontre de Patch, au risque de sa vie, et en exigeant qu’ils ne disent strictement rien à Sherlock Holmes. Il ignore encore qu’il s’agit de participer à un cambriolage au "Musée Noir", dans les sous-sols de Scotland Yard. L’objet à dérober est l’unique lettre manuscrite de Jack l’Éventreur destinée à être vendue à un riche collectionneur !
Mon avis : Cette série BD est vraiment une réussite à tous points de vue. Les aventures des Quatre de Baker Street sont toujours aussi passionnantes et les héros plus qu’attachants… depuis 2009 ! Déjà le dixième tome et on en redemande sans hésiter. L’intrigue multiplie les risques et périls pour notre équipe. Mais c’est surtout l’avenir de Tom qui semble en danger à cause d’une lettre "compromettante" qui n’aurait jamais dû réapparaître et du retour d’un vieil ennemi peu recommandable. Le récit est truffé de pièges, de kidnappings donnant lieu à divers chantages et règlements de comptes. Mais on y retrouve aussi les qualités de confiance, de loyauté, de sacrifice et d'amitié de la part de nos célèbres partenaires. Le tout est mené de main de maître par les scénaristes Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand sur un rythme effréné donnant lieu à de multiples rebondissements.
David Etien illustre cette aventure avec son énergie habituelle.
Son dessin est en accord avec un scénario rythmé, quasiment sans pause, se jouant des cadrages et mises en scènes acrobatiques pour nous plonger au cœur de l’aventure comme si nous y étions. Scènes d’action à l’énergie folle, émotions des personnages visibles à fleur de peau, extrême cruauté de Patch qui ne recule devant aucune fourberie voire pire, richesse des innombrables décors. La narration visuelle est plus qu’efficace grâce aussi à une belle maîtrise des ellipses.
Enfin, la mise en couleurs (David Etien et Céline Olive pour les aplats) sert parfaitement le dessin, lui donnant vie et lisibilité.Un excellent moment de lecture.
SDJuan
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X-MEN - FUTURE ANTÉRIEUR
- Par asbl-creabulles
- Le 14/06/2024
Scénario : Marc GUGGENHEIM
Dessin : Manuel GARCIA
Encrage : Cam SMITH
Couleurs : Yen NITRO
Couverture : Edgar DELGADO et Geoff SHAW
Collection : 100% Marvel
Dépot légal : Juin 2024
Editeur :
Format comics
ISBN : 9791039125345
Nombre de pages : 102Dans une réalité alternative, de gigantesques robots chasseurs appelés Sentinelles sont sur le point de signer la fin des mutants. La seule solution pour empêcher que cela se produise est de retourner dans le passé afin de déjouer l’assassinat du sénateur Robert Kelly par les Mauvais Mutants conduits par Mystique et Destinée. Rachel se charge d’envoyer l'esprit de Kitty Pride dans le corps de la toute jeune Kitty au moment où 30 ans plus tôt elle venait de rejoindre les X-Men quelques heures à peine avant le moment fatidique… Durant les 30 années qui séparent ces deux événements sombres, les X-Men vont devoir tout faire pour que la loi anti-mutants instaurant leur traque par les Sentinelles et leur enfermement dans des centres d'internement ne soit pas promulguée. Ce mouvement de résistance aura un coût élevé car nombreux sont ceux qui vont y perdre la vie.
Mon avis: Après l'incroyable saga du Phénix Noir, Chris Clarement et John Byrne ont poursuivi sur la même lancée avec un épisode situé au Canada dans lequel Wolverine et Nightcrawler ont combattu le Wendigo. L’épisode suivant − "Days of Future Past" paru dans The Uncanny X-Men 141-142 − figure parmi les plus marquants des aventures passées, présentes et futures des X-Men. L’histoire et l’illustration de la couverture du comic book ont d’ailleurs été maintes fois copiées/utilisées pour d’autres comics ainsi qu’au cinéma ou à la télévision.
L’album X-Men–Futur antérieur (T1-La Genèse) qui contient les épisodes 1 à 4 de "X-Men: Days of Future Past–Doomsday" (2023) réunit Marc Guggenheim au scénario et Manuel Garcia au dessin. Il s’agit ici d’explorer le retour en arrière sur 30 années censé permettre, comme l’espèrent les X-Men survivants, de tout faire pour modifier ce futur dans lequel les mutants encore en vie sont pourchassés par les Sentinelles. Cette mini-série de 4 épisodes ne peut malheureusement pas tirer parti d’une montée progressive en intensité comme en ont bénéficié à l’époque les épisodes écrits par Chris Claremont et John Byrne qui échafaudaient leurs scénarios sur la base d’un fil rouge existant en amont. Elle l'aurait bien mérité mais il faudra donc se contenter de ce seul album pour s'immerger complètement dans cet univers sombre. Le travail d’illustration n’était donc pas facile mais Manuel García nous plonge dans ce monde futur et apocalyptique pour les mutants dès la première page et maintient l'intensité constante tout au long du récit. Une force incroyable se dégage de chacune des pages qui nous replongent dans le passé grâce à plusieurs scènes mythiques bien reproduites. Mais le récit du présent de Marc Guggenheim n’en est pas pour autant négligé. Une belle performance globale du dessinateur espagnol qui a dû faire face à pas mal de difficultés pour mettre l’ensemble en image. Bravo l'artiste !
Le dessin bénéficie d’un bel encrage de la part de Cam Smith et grâce aux couleurs de Yen Nitro il gagne en volume et lumière.
À noter les différentes illustrations de couverture "normale" et "variante" qui valent largement le détour.
SDJuan
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LE POUVOIR DES INNOCENTS - Dernier tome
- Par asbl-creabulles
- Le 12/06/2024
Tome 5 . L'Homme qui sauva l'Amérique
Scénario : Luc BRUNSCHWIG
Dessin : Laurent HIRN
Couleurs : Laurent HIRN
Dépot légal : Juin 2024
Achevé d'imprimé : mai 2024
Editeur :
Cycle : 3 Les enfants de Jessica
Grand format
EAN/ISBN :978-2-7548-3270-0
Nombre de pages : 88Les enfants de Jessica sont plus que jamais en route pour New York afin de soutenir Jessica Ruppert. La mauvaise nouvelle est que cette dernière aurait dû faire un bilan de santé complet et passer divers examens médicaux depuis longtemps mais elle a tout sacrifié au profit de la politique. L’annonce de son décès par crise cardiaque résonne comme un coup de tonnerre. Plus rien ne va parmi ses proches en proie au désarroi et à la tristesse. Quant à son parti politique, il prend une voie que personne, ni même Amy, sa fille adoptive, n'aurait pu imaginer. Qui va reprendre le flambeau alors que les "Logans" s'organisent et sont prêts à en découdre avec les enfants de Jessica ?
Mon avis : À l’origine, la série Le Pouvoir des Innocents ne comptait qu'un seul cycle (5 tomes publiés entre 1992 et 2002) mais, Dieu merci, en 2011 les auteurs ont décidé de poursuivre l'aventure par deux autres cycles qui seront développés et publiés en parallèle entre 2011 et 2024 (cycle II - Car l’Enfer est ici et cycle III - Les Enfants de Jessica).
Aujourd’hui, nous avons (enfin) en main le tout dernier album de la série (tome 5 du cycle III) et très sincèrement je me demandais comment les auteurs allaient pouvoir mettre un point final à cette formidable série sans décevoir les lecteurs. L'attente a été longue mais elle en vaut la peine. Il y aura bientôt trois ans j’entamais la chronique du tome 4 par ces mots : "Nous arrivons doucement et sûrement à une conclusion des plus spectaculaires pour cette fantastique aventure dont nous suivons le déroulement depuis 1992. Et la force des auteurs est d’avoir réussi à nous intéresser et nous passionner depuis tant d’années…"
Une chose est sûre, cette série visionnaire a traversé les années sans jamais se démoder, en restant toujours dans l'actualité, avec des personnages hauts en couleurs pouvant, à tout moment, changer la face du monde. Un mélange réussi de thriller politique et social donnant l’occasion à Luc Brunschwig d’explorer et d’analyser l’univers américain des Démocrates et des Républicains et d’aborder une multitude de thématiques. Cette série devenue culte s’appuie sur une intrigue violente mêlant complots, trahisons, attentats, problèmes d’immigration, procès, etc. On y découvre une Amérique au bord de la guerre civile qui va compter ses morts par milliers et j'en passe. Luc Brunschwig sait nous prendre aux tripes. On y parle aussi de terrorisme ou d'extrémismes en tous genres mais aussi, heureusement, d’amitié, de dévouement, de sacrifice … On y suit les (mé)aventures de Joshua Logan, soupçonné d’avoir commis un attentat, mais aussi d'Amy, gamine renfermée qui va évoluer, comme tous les autres personnages d’ailleurs, et devenir une jeune femme posée et volontaire, de cette pauvre Lucy qui va en voir de toutes les couleurs, sans oublier Jessica Ruppert, devenu maire de New York et dont les réformes drastiques vont sembler menacer l’économie de marché et la mondialisation…
Il est impossible de raconter/résumer tant d’années de lecture tant Luc Brunschwig, en collaboration avec Laurent Hirn, a élaboré de scénarios gagnant en profondeur, en puissance au fil des albums tout en restant en prise directe avec l’actualité. Ce foisonnement d’idées a su faire évoluer les scénarios au gré des événements : attentats du 11 septembre 2001, arrivée au pouvoir de Barack Obama en 2009, de Donald Trump en 2017, etc.
Il en va de même du dessinateur-illustrateur Laurent Hirn qui a su travailler avec Luc Brunschwig en symbiose pour nous offrir plus de trois décennies de récits riches en événements, d'une efficacité redoutable et continuant à nous surprendre. Laurent Hirn joue avec les émotions, l'intensité des moments. Il va à l’essentiel pour créer une narration visuelle puissante, dans un style très cinématogaphique avec un découpage et des angles de vue tombant juste comme il faut. Dessin, jeux de lumière, choix du ton des couleurs, son travail est toujours précis et soigné.
Quant à ce dernier tome, j’ai eu le souffle coupé lorsque j'ai lu la dernière page. J’ai dû revenir en arrière sur quelques pages pour réaliser le cheminement imaginé par Luc Brunschwig menant vers cette conclusion et revoir de quelle manière les dessins de Laurent Hirn maîtrisent parfaitement le déroulement des événements, car cette fin est incroyable et totalement inattendue. Je n'ai qu'un seul mot : BRAVO ! Magnifique travail de ce duo d’auteurs qu’on espère retrouver prochainement.
Cette série était, est et restera encore longtemps, je pense, dans mon top 3 en matière de bande dessinée.
SDJuan
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LA GUERRE DES AMAZONES
- Par asbl-creabulles
- Le 11/06/2024
Scénario : Stéphane PIATZSZEK
Dessin : Guillermo GONZÁLEZ ESCALA, Iñaki HOLGADO & Nicolas BÈGUE
Couleurs : Guillermo GONZÁLEZ ESCALA & Nicolas BÈGUE
Dépot légal : Janvier 2024
Editeur : Soleil Productions
Collection : Quadrants
Grand format
ISBN : 9782302102774
Nombre de pages : 56Royaume de Bohême, 805 après J.-C. La princesse Libussa, fille du roi Krok, rentre au château de Dievin, accompagnée de ses guerrières au terme d’un combat contre des trafiquants d'esclaves. Mais son père a d'autres préoccupations. Il vient d’apprendre que les armées du roi des Francs, Karl, fils de Charlemagne, sont en route pour conquérir et christianiser les terres de Bohême. Malgré l'avis contraire de Radovan, son proche conseiller, le roi Krok refusant de devenir un simple serviteur de Karl décide d'aller à l'affrontement. Il confie son royaume à sa fille Libussa, réputée farouche guerrière, soutenue par sa sœur Téta, qui a un don de voyance et communique avec les dieux. Bien qu’opposée à la décision de son père, Libussa n'en est pas moins heureuse car elle pourra enfin faire connaissance avec celle qui attire toute son attention, la guerrière Vlasta, fille de Malko. Un dragon géant quitte le château emmenant avec lui le roi et ses troupes au combat. Peu après, Libussa est prévenue de la présence d’intrus dans le bois sacré du château. Elle y découvre un vieil homme qui tente de la raisonner… et de l’évangéliser. C’en est trop pour la princesse qui punit cette insulte à ses dieux en lui tranchant la tête. Le temps passe et alors que l’hiver s’est installé, le comte Renaud, émissaire du roi Karl, se présente à la porte du château de Dievin pour restituer le corps du roi Krok, tué sur le champ de bataille et obtenir la reddition de Libussa désormais souveraine du royaume slave. Pour toute réponse, elle lui jette la tête tranchée du vieil homme qui avait sans aucun doute été envoyé par le roi Karl. Si Libussa est désormais reine, elle ignore encore que l’un des plus proches conseillers de son défunt père l’a trahie.
Mon avis : Le dessinateur et coloriste basque espagnol Guillermo Gonzáles Escalada est décédé à l'âge de 50 ans en juin 2021 sans avoir pu achever l’album sur lequel il travaillait. Grâce à Iñaki Holgado et Nicolas Bègue, l’album a enfin pu être achevé et publié en janvier 2024.
Vu le titre on s'attendrait à voir surgir des amazones tout droit sorties de la mythologie grecque. En fait, il n'en est rien car cette fiction nous fait vivre l’aventure de femmes guerrières slaves ayant tout à fait leur place au sein d’une société païenne polythéiste vénérant de nombreux dieux et déesses.
La femme y est l’égal de l’homme et n’a rien à lui envier y compris dans le rôle de guerrier. Pour les propagateurs du christianisme, les slaves étaient au contraire considérés comme des impies et les femmes n'y avaient évidemment pas leur place en tant que soldats.Ce one-shot pourra enfin paraître alors qu'il était inachevé, entre histoire avec un grand H et légendes, malgré un scénario bien mené par Stéphane Piatzszek. Il y avait là un potentiel pour d’autres albums tant le contexte s’y prêtait et on aurait aimé en savoir un peu plus sur chacun des personnages emblématiques de ce récit épique. Malgré tout, je suis content d'avoir pu grâce à cet album découvrir sans doute trop tard puisqu’il est décédé en 2021 un dessinateur espagnol très doué.
Le trait est fin et soigné, les couleurs bien travaillées pour un rendu visuellement très agréable. La narration visuelle est très efficace même si l’on peut évidemment regretter une fin un peu trop abrupte.Un bel album où la frontière entre dessin et peinture est souvent floue.
SDJuan
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BESTIAL
- Par asbl-creabulles
- Le 09/06/2024
Scénario : Eric CORBEYRAN
Dessin : Luca MALISAN
Dépot légal : Avril 2024
Editeur : Edition KAMITI Édition collector
Grand format
EAN/ISBN : 979-10-97477-44-8Février 99, dans la péninsule de Kola en Russie, un homme est retrouvé gravement blessé, en hypothermie, mais il réussit contre toute attente à survivre. Le médecin qui le soigne ne comprend pas sa capacité à se régénérer et à guérir quasiment spontanément. Il n’en saura guère plus. À peine un mois plus tard, l’inconnu, baptisé Gary, s’échappe de l’hôpital, non sans y semer des cadavres atrocement mutilés. Quelques années plus tard, on retrouve Gary en fuite à Moscou, poursuivi par une équipe de professionnels. Leur but : le capturer. Pour qui, pourquoi ? Il l’ignore. La seule chose dont il est convaincu, c’est qu’il doit absolument quitter la Russie. Sa compagne, Yelena, lui propose alors la solution de se faire passer pour mort et de transiter dans un cercueil. Mais bien évidemment, tout ne va pas se passer comme prévu…
Après avoir redonné vie tout récemment à Thomas Carnacki et ressuscité les Comics façon Au-Delà du Réel avec ses deux compères Rurik Sallé et Paskal Millet, il était évident que l’univers imaginaire de Corbeyran croiserait un jour les grosses bébêtes poilues. C’est désormais chose faite avec ce Bestial, paru chez Kamiti, et qui porte on ne peut mieux son titre. Une BD de loup-garou, on s’en doute, mais avec la "Corbeyran’s touch" que j’adore, très sombre, une explication scientifique à l’existence de Gary, ses capacités et sa possibilité de survie.
Au dessin, Luca Malisan fait des merveilles, avec des personnages ciselés aux traits réalistes, et un jeu d’ombres chinoises qui les entoure. Nous sommes dans le bestiaire de Frank Frazetta, de Boris Vallejo, de Ken Kelly, de Bernie Wrightson (une de mes idoles). Mention spéciale pour le personnage de Gary lui-même, mi-homme mi-bête, il le dit d’ailleurs : je suis une bête. Visage anguleux et yeux bleus très clairs. Un fauve. Et c’est parti pour 54 pages de pure action, entre fantastique et horreur, sans temps mort.
On sent chez Corbeyran le travail du pitch dès le départ, il ne cherche pas à nous assommer avec des pages et des pages inutiles, on entre directement dans le vif (sans jeu de mot) du sujet. C’est sa force de scénariste, mieux, de conteur. Dieu que cet homme est énervant ! Il va m’obliger une fois de plus à attendre son prochain délire et la suite des aventures de Gary. L’alchimie entre les deux auteurs est visible, ce n’est pas leur première collaboration, d’abord comme coloriste mais aussi comme dessinateur avec In Vino Veritas.
Si vous aimez les histoires de monstres à la Dog Soldier, American Werewolf in London, The Howling, ou même Wolfen, alors précipitez-vous sur cette BD. Moi, je n’ai eu aucune hésitation !
Richard Colombo
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WONDER WOMAN Hors-la-loi #1
- Par asbl-creabulles
- Le 08/06/2024
Tome 1
Scénario : Tom KING
Dessin : Daniel SAMPERE, Belen ORTEGA
Couleurs : Tomeu MOREY, Alejandro SÁNCHEZ
Dépot légal : mai 2024
Editeur :
Collection : DC Infinite
Format : comics
EAN/ISBN : 979-10-26829-41-6
Planches : 208La salle de billard Kanigher’s Cues des quartiers Ouest de Billings dans le Montana a été le théâtre d’une scène macabre. On dénombre 19 victimes, uniquement des hommes. Les deux seules femmes présentes ont été épargnées. Une suspecte a été identifiée grâce aux vidéos de surveillance. Il s’agit d’une amazone. Aussitôt, une vive polémique enflamme le pays quant à l’attitude à adopter à son égard et plus généralement pour ce qui est de l’avenir des amazones aux États-Unis.
Pour certains, elles sont et restent des héroïnes, pour d’autres c’est la preuve qu’elles sont un cauchemar puisqu’elles jouent le rôle d’hommes et agissent en barbares menaçant l’ordre américain établi. Au terme d’un débat animé, les autorités finissent par voter, signer et promulguer la loi dite de sécurité amazone (Amazon Safety Act). Désormais, les amazones sont bannies et expulsables du territoire américain, et ce par tous les moyens nécessaires. Une unité spéciale a été créée, l’A.X.E. (Amazon Extradition Entity), avec à sa tête le Sergent Steel qui ne va pas hésiter à abattre celles qui auraient le malheur de ne pas obéir aux injonctions de quitter les États-Unis. Après des semaines de traque, ses hommes et lui ont capturé ou tué près de 300 amazones. Seule Wonder Woman refuse de quitter le territoire américain tant qu’elle ne connaîtra pas la vérité sur le massacre du Montana… quitte à affronter les forces armées américaines et tous ceux qui voudront l’en dissuader.
Mon avis: Il y a longtemps que je n’avais pas lu un album mettant si bien en avant toute la puissance de notre amazone préférée. Il fallait oser lui faire tenir tête à l’armée américaine tout entière ! C’est génial et c’est crédible.
Le scénario de Tom King ne cesse de nous surprendre. Il est d’une richesse incroyable, multipliant les rebondissements et développant en profondeur les personnages qui traversent cette histoire.Si tout s’enchaîne à une vitesse folle, Tom King réussit malgré tout à introduire des moments de pause inattendus comme ces scènes bluffantes où Wonder Woman demande à ses amies de ne pas intervenir alors qu’elles sont en plein rapport de rivalité et de défi.
L’histoire est habilement construite et captive l’attention de bout en bout. Et puis il y a ce léger décalage entre d’une part les images et les dialogues décrivant l’action en cours et d’autre part les récitatifs contenant la voix off du narrateur au-dessus des lois et maître du déroulement des événements qui nous raconte et nous explique ce qui s’est passé, ce qui est en train de se passer et ce qui va se passer. L’effet est bluffant et plutôt addictif.Côté dessin, Daniel Sampere donne vie au scénario de Tom King par son trait précis et détaillé. Il est tout aussi à l’aise dans les scènes d’action époustouflantes que dans celles d’une extrême quiétude.
L’ensemble bénéficie d’une mise en page bien structurée et claire alternant de nombreuses scènes d’action mais aussi des moments bien plus paisibles, soulignant tout autant la puissance, l’agilité et la violence des coups assénés que la beauté, l’élégance, la prestance d’une héroïne qui force le respect tout au long de l’album.
Très beau travail de Tomeu Morey sur les couleurs qui soulignent la beauté des images, en donnant volume et clarté à la narration visuelle.
Vous l’aurez compris j’ai adoré ce premier tome de Wonder Woman - Hors-la-Loi !Le récit principal est précédé d’un prologue et suivi d’un épilogue qui valent aussi le détour, dus respectivement à Tom King, Daniel Sampere et Tomeu Morey pour l’un et Tom King, Belén Ortega/Daniel Sampere et Alejandro Sánchez/Tomeu Morey dans un style plus fun, dynamique et coloré pour le second.
Un premier album à ne pas rater qui fait passer un très bon moment de lecture.
SDJuan
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ULYSSE & CYRANO
- Par asbl-creabulles
- Le 06/06/2024
Scénario : Xavier DORISON et Antoine CRISTAU
Dessin : SERVAIN
Couleurs : SERVAIN
Dépot légal : Juin 2024
Editeur :
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-203-17147-3
Planches : 176L’avenir d’Ulysse Ducerf est tout tracé. C’est un élève appliqué, mais il doit encore faire des efforts pour être parmi les premiers de sa classe. Et surtout, préparer son baccalauréat pour marcher dans les pas de son père Charles et, comme lui auparavant, de son grand-père. Tout semble aller de soi jusqu’à ce que son père soit accusé de collaboration avec l’ennemi en ayant participé à l’effort de guerre allemand. L’opprobe est aussitôt jetée sur la famille. Bien décidé à régler cette affaire devant les tribunaux, le père décide d’envoyer sa femme et son fils en Bourgogne sous un nom d’emprunt le temps que les choses s’apaisent et qu’Ulysse puisse étudier tranquillement pour passer son bac. C’est là qu’Ulysse va faire la connaissance de Cyrano, ce grand cuisinier qui avait failli avoir la médaille du meilleur cuisinier de France 15 ans plus tôt. Une rencontre qui va bouleverser à jamais la vie d’Ulysse et de sa famille.
Un gros et bel album sur le destin d’un étudiant ayant un avenir prometteur devant lui, sauf que cet ordre tranquille va soudainement être bousculé par la rencontre avec un grand cuisinier, un homme discret mais dont les plats vont capter toute l’attention du jeune homme. Dans ce récit, la cuisine tient un rôle majeur. Élevée au rang d’art culinaire exécuté avec passion, elle rend le cuisinier heureux mais aussi tous ceux qui en profitent autour de lui, à commencer par Ulysse. L’émancipation personnelle d’Ulysse et le plaisir qu’il n’aurait jamais soupçonné ressentir n’auront pu se réaliser que par la séparation d’avec son père et l’éloignement d’une voie toute tracée dans la cimenterie familiale. Mais pour s’épanouir dans sa nouvelle voie, Ulysse va devoir faire preuve de courage face à son père mais aussi face aux critiques et moqueries de la classe sociale dont il est issu.
M’ayant habitué à des récits aventureux et épiques, Xavier Dorison m’a très agréablement surpris avec cette histoire, coécrite avec Antoine Cristau, dans un style plus intimiste, plus paisible dans laquelle la grande cuisine est traitée comme un personnage supplémentaire.
Le récit donne la part belle à l’amitié, au partage, à la passion.
La complicité entre Cyrano et Ulysse est authentique.L’autre défi était de rendre visuellement attrayant un album traitant majoritairement de cuisine. Servain l’a relevé avec brio en nous proposant un large éventail de personnages et de décors tout au long de l’album. On a presque envie de goûter tous les plats illustrés mais on est également séduit par les réactions des personnages, à travers le plaisir qu’ils prennent à les déguster ou la satisfaction que ressent Ulysse à les préparer et à travailler avec Cyrano.
Une lecture inspirante à déguster au plus vite.
SDJuan