Créabulles, Expositions, Dédicaces, Rencontres.

Chroniques

Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture. 

  • LA FIÈVRE D'URBICANDE Tirage de tête

    La fievre d urbicande Tirage de têteScénario : Benoît PEETERS
    Dessin : François SCHUITEN
    Couleurs : Jack DURIEUX
    Edition :
    Ob 7f2d3c casterman2
    ISBN : 978-2-203-21838-3
    Dépot légal : Octobre 2020
    Nombre de pages : 110
    À noter : ce Tirage de tête est limité à 700 exemplaires et 50 exemplaires HC numérotés et signés. Contient un ex-libris sérigraphié présentant l'illustration de couverture de l'édition courante.

    Si vous aimez le dessin de François SCHUITEN et l’univers des Cités Obscures, vous devez aimer La Fièvre d’Urbicande.
    Personnellement, c’est mon album préféré avec La Tour et L’Enfant Penchée.
    "Mais pourquoi le mettre en couleur ?" ai-je pensé en apprenant la nouvelle de la réédition de cet album.
    Celle de 1990 est tellement belle en noir et blanc.
    Le papier légèrement satiné rend les noirs tellement profonds. Les dégradés et les contrastes sont si bien marqués.
    Mais je suis trop curieux de voir l’effet de la couleur dans cet album (mythique) pour moi. Surtout dans ce grand format.
    J’apprendrai dans une interview que ce récit était destiné à la couleur mais après Samaris, Schuiten n’avait guère envie de se remettre si tôt à cet exercice si fastidieux.
    Le graphiste et illustrateur Jack Durieux a mis deux ans pour colorier cette nouvelle édition.Cites obscures la fievre d urbicande planches
    J’ai dans les mains un nouvel album.
    Le récit n’a pas changé évidemment mais le cadre et les ambiances sont différentes.
    Les tons chauds (les roses et les mauves) et cette luminosité créent des planches de toute beauté.
    La lumière ou l’absence de lumière naturelle ou artificielle est bien présente au travers de toute la chromatique proposée.
    Le réseau est aussi impressionnant dans tous ces tons bleus ou gris.
    J’ai évidemment feuilleté les deux versions en comparant le rendu des contrastes et des couleurs. C’est inutile !
    Chaque album a sa vie propre.Le travail du noir et blanc de Schuiten et la mise en couleur de Durieux sont tous les deux impressionnants d’efficacité et de beauté.
    Le noir et blanc rend les matières plus rugueuses et la ville plus dure.
    La couleur adoucit les angles et rend la lumière plus chaude.Cites obscures la fievre d urbicande planche
    L’histoire : Eugen Robick, urbatecte de génie, a conçu les bâtiments prestigieux de la ville d’Urbicande mais il est contrarié.En effet, les sommités de la ville ne semblent pas vouloir continuer les travaux du troisième pont qui est indispensable à l’équilibre de l’ensemble.
    Sur son bureau est posé un cube creux dont la structure va grandir en donnant naissance à un réseau immense qui va perturber Robick, les habitants de la ville et toute la conception des bâtiments.
    Mais aussi rendre possible des liens et des contacts entre les habitants des quartiers neufs dominés par le gigantisme et l’ordre et ceux des quartiers anciens où l’architecture est plus pauvre mais peut-être plus conviviale.
    Lors de la séance de signature à la librairie Brüsel le jeudi 29 octobre, François SCHUITEN expliquait la raison de l’engouement des lecteurs des Cités Obscures pour La Fièvre...en parlant de la porosité de l’œuvre. Comme une éponge, elle se laisse séduire et séduit les impressions des différents amateurs.
    Chacun interprète ce réseau à sa façon.
    Personnellement, c’est son côté mystérieux et fantastique qui m’attire.
    Quelle est l’origine, le pourquoi de ce cube, comment devient-il un réseau ?
    Comment vit-il ?
    En grand format, il devient encore plus impressionnant.
    De ses structures se dégage une force divine et mystérieuse. Une entité ?
    On pense au monolithe de "2001, l’Odyssée de l’espace" pour le côté énigmatique de sa présence.
    Le réseau en lui-même me passionne plus que le récit.
    Je me suis toujours demandé pourquoi un sculpteur n’avait pas proposé aux auteurs de lui donner vie en réalisant des sculptures du cube en différents formats et matières et à différents moments de son expansion.Fievre d urbicande planche autreJe terminerai par quelques réflexions personnelles suite à l’interview parue dans Le Soir du vendredi 6 novembre 2020.
    Daniel Couvreur commence en comparant l’effroi causé par la fièvre d’Urbicande à la situation que nous vivons suite à la pandémie et François et Jack vont dans son sens en parlant de propagation de l’épidémie d’Urbicande.
    C’est un peu facile aujourd’hui de faire cette comparaison. Benoît Peeters et François Schuiten ont-ils réellement pensé à une maladie lors de la conception de cet album ?
    Déjà la matière inconnue dont il est fait, sa croissance, les résultats sur la ville et la population, tout est différent. Non je n’adhère pas.
    Dans une réponse François Schuiten dit que ce n’est pas une simple colorisation des planches comme à l’époque d’Hergé.
    Évidemment qu’il n’y a aucune comparaison avec la mise en couleur de La Fièvre d’Urbicande.
    Mais il aurait fallu préciser que Hergé a réaménagé complètement les strips et les planches des albums en plus de la mise en couleur.Je ne dirai pas la même chose pour la colorisation de la version noir et blanc de Tintin en Amérique à but purement mercantile.
    Celle de Tintin au pays des Soviets pouvait avoir une raison d’être comme il n’existait pas en couleur mais ici...
    Mais je m’éloigne.
    Je tiens quand même à préciser que cet interview est très intéressante pour comprendre l’implication des auteurs dans la réalisation de cette mise en couleur.
    Et le livre dont il est question ici ne rentre pas dans cette catégorie des albums colorisés.
    Non, La Fièvre d’Urbicande mise en couleur est une nouvelle œuvre.
    Ni plus belle, ni moins belle.
    Elle est !
    Par elle-même !

    Elle n’a aucunement besoin d’être comparée.

    M. Destrée

  • LA FIÈVRE D'URBICANDE

    Cites obscures la fievre d urbicandeCoup de coeurScénario : Benoît PEETERS
    Dessin : François SCHUITEN
    Couleurs : Jack DURIEUX
    Edition : Casterman 1
    ISBN : 978-2-203-20292-4
    Dépot légal : Octobre 2020
    Nombre de pages : 104

    Énorme déception pour Eugen Robick, urbatecte de métier et concepteur de la cité d’Urbicande. En effet, sa proposition de construction d’un nouveau et dernier pont pour finaliser l’harmonisation de la cité a été refusée malgré ses nombreux courriers à la Commission des Hautes Instances et sa prise de parole devant cet organe gouvernemental pour défendre son projet. En rentrant chez lui dépité face aux arguments sécuritaires qui lui ont été opposés, il s’aperçoit que l’objet métallique soudainement apparu le matin même sur son bureau, une sorte de cube évidé, s’est légèrement modifié. Des pointes sont apparues à chaque extrémité de cet hexaèdre comme des bourgeons sur une plante. Il n’y prête guère plus attention tant la fatigue le pousse à aller se coucher. Le lendemain, Robick se rend compte que ce cube d’origine inconnue, fait d’une matière indestructible, s’est encore développé. Il s’est incrusté dans son bureau et dans le livre sur lesquels il l’avait posé, sans les abîmer, et il continue de croître d’une manière inquiétante même si cela se déroule de façon harmonieuse, sans déformer ou endommager ce qu’il traverse, simplement en s'élargissant et en fusionnant avec les objets, les murs, les bâtiments. Le cube finit par englober le bureau de Robick, puis sa personne sans jamais le blesser avant de le libérer, puis la pièce entière, l’immeuble, etc. tel le maillage d’un réseau. Et petit à petit, c’est la cité entière qui va se retrouver envahie par cette étrange structure.Cites obscures la fievre d urbicande plancheMon avis: "La Fièvre d’Urbicande", deuxième tome (récompensé à Angoulême en 1985) de la série "Les Cités Obscures", en est certainement l’album le plus célèbre. Une longue réflexion sur l'homme et ses conditions de vie, ses rapports à l'urbanisation, à la ville mais aussi au pouvoir. La série, on le sait, évolue dans une sorte de monde parallèle au nôtre (tout en lui étant assez semblable par certains côtés), soumis à un régime totalitaire Tout y est soigneusement contrôlés par les autorités selon un équilibre bien planifié. L’apparition d’un cube va venir bouleverser ce schéma. Mais au final en couvrant la ville en formant un réseau, cette mystérieuse structure ne cherche-t-elle pas à tout réunifier, même provisoirement ?
    Un scénario de Benoît Peeters déroutant dans lequel on se laisse transporter à condition de faire abstraction de nos limites, celles que nous connaissons, que nous avons acquises ou qui nous ont été inculquées.
    Entrer dans l'univers de Schuiten et Peeters, c’est entrer dans un monde situé dans une autre dimension, c’est entrer dans leur imagination.Cites obscures la fievre d urbicande planches
    S'il y a un bien un auteur dont on reconnaît le style au premier coup d'œil, c'est bien Schuiten. Un travail tout en nuances et inimitable (voir "12 La Douce", où un mécanicien fait tout pour sauver de la destruction la dernière locomotive à vapeur du modèle Atlantic 12).
    "La Fièvre d’Urbicande" a été publiée chez Casterman dans le magazine (À suivre) dès 1983 avant de paraître en album de 94 planches en 1985, en noir et blanc. Et pourtant le récit avait été pensé en couleurs mais à condition de s’en tenir aux 48 planches standard. À l’époque, les auteurs ont fait le choix que l’on sait. D’où l’idée d’une mise en couleur intervenant après maintes rééditions N&B.

    Ce projet ambitieux, confié au graphiste et illustrateur Jack Durieux, est étonnant.
    On peut s’interroger sur la nécessité de s’aventurer dans un tel projet alors que la superbe version N&B se suffit à elle-même comme le confirme son succès (reconnu, on l’a dit, par le Prix du Meilleur Album à Angoulême dès 1985 et ses nombreuses rééditions). Mais la couleur apporte quelque chose d'impressionnant et de magique au travail si typique de Schuiten – une profusion harmonieuse de traits, de lignes, de hachures et détails finissant par créer une image, une planche, un album.Fievre d urbicande planche autreJack Durieux (à ne pas confondre avec son frère jumeau Laurent Durieux qui a mis en couleur Le Dernier Pharaon également dessiné par François Schuiten dans la série Blake et Mortimer) a parfaitement respecté le travail de Schuiten. Il souligne la beauté de la cité, un monde loin d’être froid et dépourvu de vie grâce à tous ces personnages également si typiques du dessinateur, qui applique un trait plus léger sur les arrière-fonds pour bien mettre en avant les premiers plans et en particulier les personnages.
    La mise en couleur de Durieux dans des tons plutôt chauds et doux met en valeur le travail de Schuiten en y soulignant la lumière et les ombrages.
    Elle est tout à fait respectueuse du travail d’orfèvre du dessinateur mais Jack Durieux a toutefois dû intervenir sur le trait, atténuer l’encrage initial pour que sa mise en couleur soit la plus naturelle possible.
    On peut dire que pour cette version colorisée, Jack Durieux s’est réapproprié l’histoire.
    Les deux versions continueront donc de coexister pour notre plus grand plaisir.

    Album également édité en tirage de tête à tirage limité (700 ex.) avec ex-libris exclusif ( ce tirage de tête est chroniqué par M. Destrée très bientôt)

    SDJuan

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  • LE LOUP M'A DIT

    Le loup m a dit couvScénario : Jean-Claude SERVAIS
    Dessin : Jean-Claude SERVAIS
    Couleurs : RAIVES
    Dépot légal : Octobre 2020
    Editeur : Dupuis 1
    Collection : Air Libre
    ISBN : 979-10-34747-90-0
    Nombre de pages : 65

    Si vous me suivez dans mes albums, vous savez que depuis ma visite au Piconrue-Musée de la Grande Ardenne situé à Bastogne pour découvrir la magnifique exposition consacrée à Jean-Claude Servais, j’ai repris goût à son dessin.
    Depuis juillet, j’ai pratiquement lu toute sa production avec passion et intérêt. J’ai découvert des récits passionnants, captivants, plein d’émotions et de personnages attachants. Des histoires, des gens bien de chez nous (je suis Ardennais, voisin des Gaumais). Dans des décors ruraux, forestiers de toute beauté. Sans oublier la merveilleuse faune dont l’auteur est amoureux.Le loup m a dit planchesCe récit est différent, nous suivons Ambre, Louis, Charles, Loba et les loups à travers les âges de l’histoire. En commençant au paléolithique pour terminer à l’époque moderne dans la forêt où vit Loba. Si les passages d’une époque à l’autre sont parfois confus, on accepte facilement que les personnages aient le même prénom et vivent presque les mêmes situations. Est-ce tout simplement la réincarnation qui serait choisie par l’auteur?
    L’importance est ailleurs, ce voyage dans le temps sans véritable recherche historique dans les costumes gaulois notamment, a une autre raison : décrire la lente puis rapide destruction de la nature, des loups, des relations homme-animal (ici le loup) au profit de l’industrie, de la rentabilité et du progrès.Le loup m a dit plancheComparé aux autres livres, celui-ci est moins captivant suite à cette longue introduction où les personnages ne font que passer. Mais ce n’est que le premier récit et le deuxième sera certainement plus attirant car la trame historique s’est arrêtée dans cette forêt sur la "Roche à l’Appel" avec une jeune pétrologue qui va certainement rencontrer la mystérieuse Loba.
    Si maintenant le dessin de Servais est parfois plus esquissé au profit de la couleur de Raives, il ne peut s’empêcher pour notre bonheur de dessiner des loups superbes (quel regard!), de magnifier la forêt et de s’attarder sur la finesse de certains traits féminins.

    M.Destrée

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  • SHAOLIN 1

    Shaolin 1Tome 1/3 - L'enfant du destin
    Scénario : Jean-François DI GIORGIO
    Dessin : LOOKY
    Couleurs : Olivier MAY
    Dépot légal : Septembre 2020
    Editeur : Soleil
    ISBN : 978-2-302-08967-9
    Nombre de pages : 46

    À la recherche d’un travail, un guerrier à l’allure menaçante s’approche d’un groupe d’hommes pour leur demander s’ils ont besoin de main-d’œuvre. Pour toute réponse, il entend un laconique "On est déjà assez nombreux comme çà". Il réitère néanmoins sa demande et, à peine a-t-il reçu un nouveau refus, qu’il tue net les deux hommes à portée de sa main. Ailleurs, au Monastère des Trois Royaumes, le jeune Nuage Blanc, souffre-douleur de ses camarades disciples du maître Yuan Jia, s’interroge sur les visions qui le hantent même si son maître Huo l’a rassuré en lui disant qu’elles sont le signe d’un don et non d’une infériorité comme le prétendent ses camarades. Et ailleurs dans le royaume, trois guerriers ninjas prêts à donner leur vie se sont introduits dans le palais de Ly Jiong. Ils sont venus dérober la Chambre d’Ambre, un objet d’une très grande valeur mystique doté de pouvoirs dévastateurs qui vient d’être apporté au palais et remis au seigneur. Si deux guerriers ont été tués lors de l’assaut, le dernier a réussi à s’échapper avec l'artefact qu’il ne faut en aucun cas réveiller. Tandis que le frère du seigneur propose d’engager une chasseuse de primes pour retrouver l’artefact, la nouvelle du vol se répand jusqu’au monastère. Bien qu’il ne soit pas encore prêt, Nuage Blanc se voit confier par maître Yuan Jia la mission des plus périlleuses de retrouver la Chambre d’Ambre sinon le pays risque bien de subir la plus grande des malédictions.Shaolin 1 planche

    Mon avis : Jean-François Di Giorgio délaisse provisoirement l'univers des Samuraïs (trois séries en cours) pour nous plonger dans celui des moines Shaolin, mais dans une version "édulcorée" par rapport à la réalité que vivent ces moines au quotidien, bien plus dure et caractérisée par un entraînement quasi perpétuel. S’agissant avant tout d’une aventure, le récit se veut donc léger et plaisant avec une bonne dose de fantastique, de mystère et de magie noire. On entre directement dans l'intrigue qui développe plusieurs histoires en parallèle mêlant aventure, arts martiaux, pouvoirs surnaturels et humour, en faisant intervenir plusieurs personnages qui vont certainement apporter leur lot de surprises. Di Giorgio en dévoile assez pour nous captiver et nous accrocher même si on en sait encore peu sur les différents protagonistes, notamment le don de Nuage Blanc et la manière dont il va s’en servir mais aussi sa petite amourette, la chasseuse de prime engagée par le frère du seigneur du palais de Ly Jiong et sur le rôle que celui-ci va être amené à jouer, les ennemis qu’ils vont devoir affronter … Mais à ma grande surprise, le scénariste élimine d’emblée des personnages forts comme ces deux ninjas (sur trois, ouf) venus dérober l’artefact. En tout cas, l’aventure ne fait que commencer et annonce des développements tous azimuts. L'histoire est prévue en trois tomes.Shaolin 1 planche autre

    Au dessin, Looky fait fort : un découpage dynamique, des cases de différentes tailles, parfois emboîtées ensemble sans que l’on perde le fil de la narration, des vues et plans variés, rapproché, plongée, contre-plongée, un graphisme aéré et aérien transmettant une sensation de puissance, notamment sur les scènes de combat dans la lignée des légendes asiatiques avec des bonds prodigieux. Des décors, des paysages et des costumes soignés pour un résultat visuellement agréable souligné par la mise en couleurs lumineuse d’Olivier May.

    SDJuan

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  • ALIX SENATOR 11

    Alix senator 11Tome 11 : L'esclave de Khorsabad
    Scénario : Valérie MANGIN
    Dessin : Thierry DÉMAREZ
    Couleurs : Jean-Jacques CHAGNAUD
    Edition : Casterman 1
    ISBN : 978-2-203-20830-8
    Dépot légal : Novembre 2020
    Nombre de pages : 46

    Khorsabad. S'il y a bien un lieu en Assyrie qui est synonyme de tragédie pour Alix, un lieu où une partie de lui est restée à jamais, c'est bien Khorsabad. C’est là que son père a trouvé la mort il y a une quarantaine d'années et qu’Alix a été fait prisonnier. Aujourd'hui, en 11 avant notre ère, Alix est de retour pour retrouver les traces de son passé. Alors qu'il assiste à la représentation d’une œuvre dramatique dans le théâtre de la ville, des troubles surviennent car la haine envers les Romains est toujours bien présente. Les choses s’enveniment rapidement et tournent mal pour Alix qui est arrêté et conduit devant le seigneur parthe Barzapharnès. Celui-ci décide même de le retenir prisonnier. En fait, ses véritables motifs sont tout autres. Il est persuadé qu’Alix est revenu à Khorsabad car il est le seul à connaître l'emplacement exact où serait caché un trésor. Barzapharnès va tout faire pour le convaincre de l’aider à trouver cet or dont il a besoin pour provoquer Rome et déclencher une nouvelle guerre avec les Romains.Alix senator 11 plancheMon avis : Avec ce tome 11, Valérie Mangin récidive en faisant un retour dans le passé en lien direct avec les anciens albums. Si Alix Senator est indépendant de la série-mère, ces évocations sont un bon moyen de lui rendre hommage et Valérie Mangin la fait revivre avec talent. Alix poursuit donc son voyage vers son passé pour oublier Rome et tous ses mauvais souvenirs. Nous le retrouvons donc avec plaisir dans cet épisode qui le mène à Khorsabad en tant que Sénateur cette fois, ce qui ne va pas l'empêcher de tomber dans un piège et d’être une nouvelle fois fait prisonnier. Alix va aussi croiser cette femme qui ressemble à Enak avec lequel il a tant partagé au point qu’il va prendre des risques en voulant la défendre. Belle aventure sous forme de comeback où l’on retrouve tous les ingrédients faisant le succès de la série, à commencer par le contexte historique et politique toujours bien raconté. Un album qui donne envie de relire "C'était à Khorsabad" (scén. Jacques Martin, François Maingoval ; dessin de Christophe Simon et Cédric Hervan et couleurs de Dina Kathelyn) paru en 2006.Alix senator 11 planche autreThierry Démarez nous offre une fois de plus un superbe album en prenant soin de chaque détail, tant pour les costumes que pour les décors intérieurs et extérieurs, aussi bien dans les premiers plans que dans les seconds. Des scènes d’action bénéficiant d’un très bon découpage et une belle mise en page au profit de la narration. Si la qualité du dessin est bien présente, elle est encore accentuée par la mise en couleurs de Jean-Jacques Chagnaud, respectueuse des détails et mettant en valeur le travail du dessinateur par l’utilisation de teintes douces et agréables. Ce travail sur la colorisation est aussi un atout indéniable de la série.
    Comme de coutume, l’album existe aussi en Édition Luxe à dos toilé, avec un cahier historique supplémentaire de 8 pages.

    SDJuan

  • NATACHA Intégrale 6

    Natacha integrale 6Scénario : Michel DUSART, Marc WASTERLAIN, PEYO, Guy d'ARTET
    Dessin : François WALTHÉRY
    Couleurs : CERISE

    Dépot légal : Octobre 2020
    Editeur : 
    Dupuis 1
    ISBN : 979-10-34749-11-9
    Nombre de pages : 264

    Je me permets une longue introduction... 
    Jeudi 29 octobre 2020, lors d’une séance de signature de François Schuiten, Reynold le propriétaire de la librairie Brüsel explique que dans une case du tome 2 d’Atom Agency par Yann et Schwartz, on voit Gil Jourdan dans un quartier fréquenté par des dames de petite vertu. Jack Durieux présent aussi, enchaîne d’une voix souriante sur Queue de Cerise et François Schuiten termine en présentant cette dernière et Seccotine (Spirou et Fantasio) comme des personnages féminins en avance sur leur époque et en ajoutant que Natacha est plus un fantasme d’homme.
    Le dilemme est bien là : le lecteur achète-t-il les albums de Natacha pour les formes épanouies de son héroïne ou pour l’aventure ? Il faut avouer que François Walthéry n’hésite pas à la placer souvent dans des situations suggestives pour le plaisir de l’œil masculin. 
    Mais je vous laisse à vos réflexions.Natacha integrale 6 supplCette intégrale 6 enfin parue est encore une très belle réalisation des fantastiques éditeurs Christelle & Bertrand Pissavy-Yvernault que je ne remercierai jamais assez. Après un fameux dossier (leur marque de qualité), arrivent quatre aventures de notre charmante hôtesse de l’air vécues entre 1997 et 2007. Vingt ans! Oui, c’est long et l’explication est dans le dossier.
    1. "La veuve noire" commence par un vol mouvementé où d’horribles bestioles clandestines sèment la panique parmi les passagers et, après un passage dans les locaux des douanes de l’aéroport, se termine dans le bidonville de Patrézalez.
    (Le réalisateur du film « Des serpents dans l’avion, 2006 » avait-il lu cette BD ?)Natacha integrale 6 la veuve noire2. "Natacha et les dinosaures". Dans cette aventure imaginée avec Marc Wasterlain, notre héroïne et ses amis vivent des aventures dignes du Monde perdu de Conan Doyle. Cette histoire que j’avais lue dans le magazine Spirou ne m’avait pas laissé un souvenir enthousiaste et ici j’ai pris beaucoup de plaisir à la relire surtout pour toutes les interventions des enfants et l’énergie des dinosaures.Natacha integrale 6 et les dinosaures3. "La mer de rochers". Ma préférée peut-être, au dessin plus réaliste et entièrement dessinée par François aux traits si impétueux et passionnés. Et elle se passe en partie à Liège (ça aussi c’est chouette). Walter ramène un roman policier, durement convoité par Élio et Gros Louis (ça ne s’invente pas). Un vrai film d’action avec des truands, un code secret, des trafiquants, des poursuites en voitures, en train...et l’admirable plastique de Natacha et l’humour de Walter en prime.Natacha integrale 6 la mer de rochers4. "Atoll 66" commence par une soirée luxueuse où Natacha brille dans une robe magnifique. Elle l’enlèvera pour la remplacer par une très mini-jupe rouge avant de se faire kidnapper. S’échappant, elle devra se débarrasser de sa jupe pour surfer sur les vagues avant d’être capturée à nouveau. Pendant ce temps-là, Walter et Téha, une jolie fille des îles tout en recherchant Natacha vont démêler toute l’intrigue de ce récit et l’amener à sa conclusion explosive.Natacha integrale 6 atoll 66Vous l’aurez compris, cette intégrale aux récits très variés vous fera passer des moments bien agréables en charmante compagnie dans des décors très variés. Vous ne pourrez qu’admirer la virtuosité de François Walthéry dans les scènes d’action et la sensualité de son trait qui anime Natacha.

     

    M.Destrée

  • LA FORCE DE L'ORDRE

    Force de l ordre laScénario : Frédéric DEBOMY & Didier FASSIN
    Dessin : Jake RAYNAL
    Couleurs : Jake RAYNAL

    Dépot légal : Octobre 2020
    Editeur : 
    Delcourt
    Collection : Seuil - Delcourt
    ISBN : 978-2-413-01295-5
    Nombre de pages : 104

    Soirée du jour de l’An 2006, quelque part dans une banlieue dite sensible, trois adolescents qui attendent leur bus sont interpellés par la police pour un banal contrôle d'identité. Sauf qu’ils sont rapidement conduits au commissariat et placés en garde à vue pour être interrogés au sujet d'une affaire en cours. Finalement disculpés de tout soupçon, ils seront relâchés le lendemain sans aucune excuse. Cette situation est le quotidien de nombreux jeunes de quartier soumis à une violence et une tension silencieuses pas nécessairement accompagnées de violence physique (l’illustration de couverture montre une simple fouille au corps mais imposée et souvent mal perçue). Pour les besoins d’une enquête ethnographique portant sur la force publique, le médecin, anthropologue, sociologue et professeur Didier Fassin a pris contact avec la Brigade anti-criminalité, la BAC. Il a suivi et accompagné dans son quotidien une brigade de banlieue pendant près de deux ans entre 2005 et 2007 pour en dresser le portrait le plus objectif possible. En les accompagnant au plus proche, Didier Fassin est presque devenu invisible auprès de ces agents de terrain dans leur travail au quotidien, de jour comme de nuit. Un travail qui, pour cette "exception sécuritaire" que sont les fonctionnaires de la BAC, implique des provocations, des discriminations, du racisme sans oublier bien sûr la pression du chiffre imposée par la hiérarchie au détriment du bon sens en générant beaucoup de difficultés relationnelles avec la population dans les quartiers "sensibles". Force de l ordre la plancheMon avis: Cet album est l’adaptation du livre-enquête écrit par Didier Fassin paru en 2011 au Seuil sous le même titre. Un gros travail de terrain au sujet toujours d’actualité et basé sur des faits réels (l’auteur révélant dans son livre que l’un des jeunes interpellés est son propre fils). Didier Fassin s’est entouré de Frédéric Debomy au scénario et Jake Raynal au dessin pour réaliser une BD faisant vivre en images son étude sociale et atteindre ainsi un public plus large qui n’aurait pas forcément été attiré par un gros livre de 400 pages. Pour son étude, contrairement aux médias, Fassin a absolument voulu accompagner les hommes et femmes de la BAC au quotidien dans les quartiers modestes à la population souvent issue de l'immigration. Dans la version BD, l’image aide à faire comprendre les interactions entre la police et les jeunes des quartiers populaires, notamment l'agressivité, la violence pouvant résulter du poids des stigmatisations, des humiliations ou des insultes. La BD restitue bien la réalité du travail des policiers, le temps passé en planque, les contrôles d’identité, souvent au faciès, source potentielle de dérapages ou d’une violence plus quotidienne. Si ceci n’explique pas cela, le fait est que le bilan n’est pas très reluisant, surtout si l’on ajoute la pression du chiffre et les enjeux politiques locaux ou nationaux. On constate que souvent, tout s’achève au pénal et le volet social ne progresse pas ou trop peu pour améliorer les choses.Force de l ordre la planche autre La version BD a permis d’actualiser l’étude en ajoutant aux émeutes nationales de 2005 après la mort de deux adolescents électrocutés en cherchant à échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois, celles de 2007 dans le Val-d’Oise après la mort là encore de deux adolescents à Villiers-le-Bel. L’album aborde aussi l’affaire Adama Traoré, décédé après son arrestation à la gendarmerie de Persan dans le Val-d’Oise en 2016, ou la mort de l’américain George Floyd, décédé suite à son interpellation musclée à Minneapolis en mai 2020. Les dessins de Jake Raynal à dominante sombre et à l'encrage fort et appuyé, ne laissant guère de place aux détails sur les visages ni aux décors, rendent bien cette atmosphère pesante. Cette ambiance est encore accentuée par l’utilisation de couleurs dans les tons froids où l'on sent la violence prête à surgir à chaque instant ainsi que la monotonie et l'ennui que peuvent ressentir les policiers en planque. 

     

    SDJuan

  • LA MORT À LUNETTES

    Mort a lunettes la variante couvMort a lunettes laLA MORT À LUNETTESCoup de coeur
    Scénario : Philippe TOME
    Dessin : Gérard GOFFAUX
    Couleurs : REDJ

    Dépot légal : Septembre 2020
    Editeur : 
    Kennes coeur
    ISBN : 978-2-380-75148-2​
    Nombre de pages : 72

    2005, Afghanistan. Un groupe de soldats américains s’apprête à intervenir sur le terrain appuyé par des drones en soutien aérien. L’opération est banale et bien préparée. Et pourtant elle va déraper et finir en carnage. Quelques mois plus tôt à New York, Malcolm vient de sortir de prison où il s’est converti à l’Islam, se faisant désormais appeler Malek. Il a trouvé un job de technicien de surface dans une chapelle. C’est là qu’il rencontre Alex, de son vrai nom Alexander Birke, un vieux juif d’origine allemande qui a connu la Shoah, passionné de gospel et de jeux d’échecs, qui tient absolument à lui apprendre les règles du jeu. Malek, noir ayant fait de la prison et musulman, est une recrue inespérée pour l’armée qui cherche depuis longtemps comment incarner de manière forte sa nouvelle campagne de publicité en ces périodes tourmentées. Il est approché par la sergente Amy O’Neal qui insiste pour qu’il s’engage, mais rien n’y fait. C’est lorsque son amie du moment le quitte que Malek apprend, par une ancienne relation, qu’il est le père d’une fille aujourd’hui âgée de 16 ans et qu’elle vient de disparaître. Comme l’armée semble impliquée au plus haut niveau dans sa disparition, Malek reprend aussitôt contact avec la sergente recruteuse Amy O’Neal. Lui compte bien comprendre ce qui s’est passé et l’armée en profiter pour mettre sur pied sa campagne de propagande.Mort a lunettes la plancheMon avis: Quel dommage que Philippe Tome ne soit plus parmi nous pour voir ses deux derniers albums arriver sur les étals des libraires. Il en aurait été très fier et avec raison. "Rages" avec Dan Verlinden au dessin (lire notre chronique ici), tout comme "La mort à lunettes" avec Gérard Goffaux, sont deux très bons albums que je ne peux que vivement recommander. 
    Tome était peut-être davantage connu comme scénariste d’humour, notamment avec ses séries "Le Petit Spirou", "Soda" ou "Le Gang Mazda"…, mais on ne peut oublier ses excellents récits polar-thriller comme "Berceuse assassine" (Ralph Meyer au dessin) ou "Sur la route de Selma" ( Philippe Berthet au dessin) dont "La mort à lunettes" aurait dû être en quelque sorte la suite bien que constituant une histoire à part, hormis ce lien (expliqué par Goffaux dans le dossier en fin d’album) lorsque Malcolm Brown, notre Malek, se recueille sur la tombe de son frère Clément et de sa mère dans un cimetière située non loin de Selma. Tome nous offre avec cet album une très belle histoire sous forme de jeu d’échec ou chaque pion (personnage, ville ou drame) revêt toute son importance. Un polar bien noir (sans aucun jeu de mot) avec ses drames familiaux, ses drames nationaux mais aussi une très belle histoire d’amitié. Comme pour Rages, l’album aura nécessité presque une dizaine d’années pour voir le jour. Mais l’attente en valait largement la peine. Forts d’une amitié de 40 ans, Tome et Goffaux ont pris le temps de nous peaufiner une histoire hors pair.Mort a lunettes la planche 2Au dessin, Gérard Goffaux a fait des merveilles, nous proposant de très belles pages, de très bons cadrages et de superbes cases à l’encrage puissant avec des personnages forts et crédibles, la splendide Horch P240 et de très beaux décors. Un très bon découpage aussi, où les images se succèdent parfois sans texte, car tout est dit dans les détails ou dans ce qu’elles suggèrent mais aussi entre les cases. On comprend, on visualise, on imagine, on complète sans même s’en rendre compte comme ces soldats et l’atmosphère du champ de bataille, comme Malek et son existence de noir musulman et sa vie sentimentale désastreuse ou comme Alex en manque de compagnie et d’amitié, etc. Autant d’histoires qui fonctionnent parfaitement et qui vont s’entrecroiser pour notre plus grand plaisir. Une belle mise en couleurs sépia de Redj avec quelques notes de rouge par-ci par-là mettant l'accent sur des points importants de l'histoire pour un résultat bluffant. Personnellement, j'aurais cependant aimé disposer d'une version en noir et blanc vu la qualité du dessin et de l'encrage de Goffaux. Le dossier de huit pages richement documentées en fin d’album apporte un éclairage complémentaire fort précieux.

    Mort a lunettes la processus 1 Mort a lunettes la processus 2

    Mort a lunettes la processus crayonne Mort a lunettes la processus encré Mort a lunettes la processus couleur

    Un album réellement "coup de cœur" qui complète avec brio la déjà belle collection de l’éditeur belge Kennes.
     

    SDJuan

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