Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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DE IRA
- Par asbl-creabulles
- Le 22/01/2022
Scénario : Stéphane HIRLEMANN
Dessin : Stéphane HIRLEMANN
Couleurs : Monochromie
Dépot légal : Octobre 2021
Editeur :
Grand format
ISBN : 978-2-413-02823-9
Nombre de pages : 140Tandis que le terrorisme poursuit ses ravages, une bande de copains se démènent pour ravitailler en nourriture, vêtements et autres articles de première nécessité les réfugiés d’un camp. Le groupe mené par la jeune Pêche n'en est pas à son coup d'essai. Cette fois encore, Chunk, Rix et tous les autres ont réussi à échapper aux gardiens, des gardiens réputés pour leur violence, surtout dirigée contre les réfugiés qu’ils n’hésitent pas à molester et brutaliser. Ce n’est pas ça qui empêchera nos amis de revenir aider les plus démunis. Chacun retourne alors à sa vie, études, job alimentaire, histoire d’amour… malgré une ambiance générale pesante, plutôt négative et peu encourageante. Pêche retrouve son amie Caro qui comme beaucoup d'autres de son âge peine à contenir une colère à fleur de peau. Elle n’en peut plus de cette société qui la met constamment en révolte. Elle semble avoir des visions parfois. Elle voit un vieux clochard mais aussi des personnes portant des masques étranges…
Mon avis : On entre tout de suite dans le vif du sujet : la colère, comme le confirme le terme latin "ira" du titre, autrement dit "colère" mais aussi "ire", même si ce terme est plutôt utilisé dans le domaine littéraire. On suit le parcours de ce groupe de jeunes qui, au fil du récit, semblent de plus en plus perturbés par la violence. Il faut dire qu'autour d'eux, elle règne en maître dans une société en pleine décomposition et, plus généralement, un monde de plus en plus troublé, dévasté et précaire. Leurs actes servent parfois une certaine justice mais la violence et l’instabilité ambiante finissent toujours par prendre le dessus quoi qu'il advienne. L'apparition de ce clochard étrange et de ces masques vont attirer l'attention sans jamais mettre fin au sentiment de révolte qui les habite. Un récit en constante ébullition marqué par une certaine obscurité dans tous les sens du terme.
Auteur complet sur cet album, Stéphane Hirlemann nous propose des dessins fluides et nerveux restituant bien la violence, le mal-être existentiel, la colère qu’il accentue encore par un découpage et une mise en page efficaces. Le choix du noir et blanc avec diverses nuances de gris souligne aussi cette impression de dureté, de noirceur, voire de fureur urbaine. La couverture nous met tout de suite dans le bain en nous intriguant et en nous forçant à nous interroger sur le contenu de l’album.
SDJuan
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LE PREMIER MIRACLE
- Par asbl-creabulles
- Le 20/01/2022
Tome 1
Scénario : Didier CONVARD
Dessin : Olivier BRAZAO
Couleurs Elvire DE COCK
Adaption de l'oeuvre de Gilles LEGARDINIER
Dépot légal : novembre 2021
Editeur : Glénat
Grand format
ISBN : 978-2-344-04199-4
Nombre de pages : 62De nos jours, dans une luxueuse villa du Montana. Lorsque Monsieur Kuolong invite Nathan pour lui présenter l’objet le plus inestimable de sa collection, il va même jusqu'à lui montrer la pièce inviolable où il le garde. Il était loin de se douter qu'il venait de faire la plus grosse erreur de sa vie. Elle lui coûtera la vie… En fait, ce sont plusieurs reliques et objets sacrés qui ont disparu et autant de meurtres commis un peu partout dans le monde. Le MI6, les services de renseignement britanniques, est sur les dents. D’autant que le professeur Ronald Wheelan, spécialiste des sciences occultes, qui lui apportait son aide et son expertise vient de disparaître dans un accident de voiture alors qu’il enquêtait sur une piste solide. L’agent Karen Holt est envoyée en France récupérer Benjamin Horwood, éminent historien des sciences occultes au British Museum mais surtout ancien élève du professeur Ronald Wheelan. Bien qu’en vacances, Horwood est littéralement exfiltré et rapatrié en hélicoptère jusqu’à Londres dans les locaux d’une agence très discrète créée au sein des services secrets pendant la deuxième guerre mondiale pour enquêter sur les Nazis dans leur rapport à l’occulte et sur leur fascination pour les reliques ésotériques. Outre le vol du légendaire miroir d'Arrapha chez Monsieur Kuolong, Horwood est surtout consulté sur celui d’objets sacrés récemment dérobés dans une cave quasi désaffectée de l'église de la Holy Trinity, un édifice tout à fait particulier et entouré de mystères. Karen Holt et Ben Horwood se rendent ensuite à la British Library où le conservateur, Robert Folker, confirme qu’une page du Splendor Solis, le légendaire manuscrit traitant de l'alchimie, a récemment disparu. Coïncidence étrange, c’est précisément à ce manuscrit que s’intéressait le Professeur Ronald Wheelan qui vient de se tuer dans un accident de voiture. En récapitulant leurs informations, plusieurs points communs ressortent, un soleil d’où sort un diable, un démon brandissant une pyramide d’où jaillit une intense lumière… L’enquête ne fait que commencer.
Mon avis : Didier Convard est un habitué de ces scénarios haletants évoquant des dossiers secrets et touchant au surnaturel, à l'ésotérique. Ainsi ce premier tome du diptyque annoncé évoque la disparition d’objets initiatiques et occultes, de reliques et d’objets sacrés comme le miroir d'Arrapha, une petite pyramide, un coffret en bois, une page d’un manuscrit légendaire … tous liés à la lumière ou à Lucifer, l’ange déchu. Pas le temps de s'attarder sur l’une des disparitions puisqu'elles se succèdent dans différents endroits du monde. Une course contre la montre est lancée et cela va très vite.
On notera que Didier Convard a dû adapter et condenser en deux albums BD seulement le roman de Gilles Legardinier (528 pages dans son édition originale publiée en 2016 chez Flammarion).Comme toujours, son récit mêle habilement fiction et histoire dans une intrigue captivante. Les indices s’accumulent, les suppositions vont bon train mais sans vraiment nous donner de réponses… du moins pour le moment. C'est aussi ce qui nous tient en haleine.
On pense aussi à la série X-Files ou aux films de la Saga Indiana Jones sans ce côté aventurier et sans les actions d’éclat que peuvent procurer les images animées. Agréable retour de Didier Convard dans un récit d'aventures ésotériques ponctué de touches d’humour.Au dessin, je retrouve avec plaisir Olivier Brazao après l'Elixir du temps, une autre BD d'aventures.
S’il a moins l'occasion ici de dessiner les héros en pleine action, il fait malgré tout très fort.
Un ensemble réalisé avec beaucoup d’application où on note un soin tout particulier apporté aux différents décors de toute beauté, aux grands monuments des différents lieux évoqués dans l’album. Les personnages sont facilement reconnaissables et la mise en page dynamique contribuent largement à rendre la narration attractive.Elvire De Cock réalise une mise en couleurs agréable, à la fois lumineuse et donnant de la profondeur aux planches dessinées par Olivier Brazao.
SDJuan
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MORGUE PLEINE
- Par asbl-creabulles
- Le 19/01/2022
Scénario : Max CABANES et Doug HEADLINE
Dessin : Max CABANES
Couleurs : MaxDessin :Cabanes, Max
Couleurs : Max CABANES
Adapté de : Jean-Patrick MANCHETTE
Dépot légal : Octobre 2021
Editeur :
Collection : Aire Libre
Grand format
ISBN : 979-10-34733-44-6
Planches : 101À la suite d’une bavure aux conséquences fâcheuses, Eugene Tarpon a quitté la gendarmerie pour se mettre à son compte comme détective privé. Mais les affaires ne marchent pas vraiment comme il l’espérait. Son penchant pour l’alcool ne parvient même plus à lui faire oublier ses soucis. Il a décidé de tout plaquer. En attendant, il a prévu d’aller passer quelque temps auprès de sa mère. Il a même déjà réservé son billet pour être sûr de partir. Comme de coutume, il passe une soirée bien arrosée quand il a la surprise de recevoir la visite de plusieurs "clients", un de ses anciens collègues gendarmes, puis un gérant de bar se disant victime de racket… Il a vite fait de s’en débarrasser car ce n’est pas ce genre de clients qui va le faire changer d’avis. C’est alors qu’une jeune femme désemparée débarque chez lui en lui déclarant que sa colocataire vient de se faire égorger dans leur appartement. Elle a préféré venir chercher de l’aide chez un détective privé plutôt que d’aller à la police car tout semble l’accuser. Alors qu’Eugène lui conseille d’aller plutôt voir la police, elle se rue sur lui et l’assomme avant de prendre la fuite. Ayant repris ses esprits, Eugène bien qu’hésitant choisit de s’intéresser à cette affaire. Il décide même d’aller sur les lieux du crime supposé. C’est le début d’une aventure qui risque bien de lui faire regretter de ne pas être parti chez sa mère.
Mon avis : Doug Headline, de son vrai nom Tristan Jean Manchette adapte une nouvelle fois l’un des romans noirs de son père, Jean-Patrick Manchette.
Le détective Eugène Tarpon en est le héros principal y compris dans les nombreux récitatifs que contient cet album. Il hésite mais finit par la force des choses, et parfois de manière assez drôle, à se plonger dans cette enquête.
Le récit peut surprendre. Certains rebondissements semblent mener nulle part de prime abord mais de fil en aiguille l’histoire tient la route. Les soupçons se précisent, les indices se multiplient, les preuves sont savamment amenées.
Les ingrédients du polar sont bien présents autour de personnages hauts en couleurs qui viennent enrichir un récit qui nous replonge dans les années 70 telles qu’elles demeurent dans les souvenirs des lecteurs seniors ou telles qu’on peut les voir de temps en temps dans des films ou des séries.Les dessins de Max Cabanes font le reste.
On suit le personnage dans ses hésitations, ses doutes. On l’accompagne dans ses déboires. On est aux côtés des visiteurs qui défilent dans son bureau. Puis le déclic intervient, l'enquête démarre sur les chapeaux de roues.
Le dessin est très beau et, comme toujours, d’une redoutable efficacité. De la pure narration visuelle.
Un très bel album de la célèbre collection Aire Libre.SDJuan
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EDGAR P. JACOBS
- Par asbl-creabulles
- Le 17/01/2022
Edgar P. Jacobs : Le rêveur d'apocalypses
Scénario : François RIVIÈRE
Dessin : Philippe WURM
Couleurs : Benoît BEKAERT
Dépot légal : Novembre 2021
Editeur : Glénat
Format normal
ISBN : 978-2-344-00391-6
Nombre de pages : 148Je viens de terminer de lire ce livre et déjà me prend l’envie de me replonger dans un autre.
C’est pourquoi je présente aussi l’irréprochable article de Daniel Couvreur, ce qui m’évitera d’écrire une analyse chronophage.<- En bonus, une variante de couverture.
Je préfère vous confier mon ressenti pendant la lecture de ce beau livre.
Les pages de garde présentent le plan de quartiers qu’a fréquentés Jacobs et les maisons qu’il a habitées.
La chaussée de Wavre se voit ornée d’un "s" effronté (WavreS).
Et le numéro 14 n’est pas mentionné à la page 38 mais 40.
Ah, cette ambiance fantasmagorique des premières pages où la pluie est si bien représentée. Une comète traverse un ciel d’encre. Signe prémonitoire! Elle reviendra…
Nous sommes dans un rêve d’Edgar.
Page 12, difficile d’accepter qu’il a seulement 15 ans dans son escapade avec Van Melkebeke dans ce musée du Cinquantenaire.
C’était le 1er chapitre.
Le chapitre 2 intitulé Amours révèle qu’Edgar aime les femmes mais j’avoue que je me suis perdu. Page 22, où il a toujours l’air plus âgé, il parle de Renée qui sort avec un Quittelier. Plus tard il sera amoureux de Jeanne qui est mariée avec Quittelier..!!???
Et parfois les traits de ces dames ne sont pas toujours évidents à reconnaître.
Mais passons et contemplons la superbe mise en scène pages 23 et 24.
La rencontre avec Laudy, très sympathique.
La découverte d’une armure de samouraï dans la vitrine d’un antiquaire du Sablon. L’histoire ne dit pas si c’est celle-là qui sera à Lasne… dommage.
Clin d’œil anachronique à la galerie Champaka page 27.
Je ne savais pas qu’Edgar avait épousé une fille du spectacle.
Quand je lui ai téléphoné fin des années 70, il m’avait dit qu’il venait de perdre son épouse et qu’il était très éprouvé. Je pensais naïvement que c’était la seule et unique.
Dommage que la fin de sa carrière à l’Opéra et comme baryton ne soit pas clairement expliquée.
Ce livre aurait pu contenir le double de pages.
Parfois, j’avais l’impression de rater des épisodes de sa vie.
Chapitre 4, la rencontre avec Hergé qui sera jaloux du succès de Blake et Mortimer et qui mettra des bâtons dans les roues de leur créateur.
D’ailleurs Jacobs évitera de le rencontrer.
Le récit devient plus linéaire et commencent pour notre inestimable dessinateur des années de dur labeur.
Car c’est un orfèvre du dessin.Les moments de détente avec son épouse, ou l’ami Jacques dont on ne parle plus soudain dans le récit, remplacé par Evany venu d’on ne sait où (encore des pages qui manquent) apportent un peu de joie dans les journées d’Edgar qui les passent à dessiner et encore à dessiner en se demandant si ses histoires ne seraient pas trop vieillottes.
N’est-ce pas le propre des grands artistes de souffrir de leur art ?
J’espère qu’il aura quand même eu plus de bonheur que de malheur de cette vie destinée à l’art lyrique et déviée vers la bande dessinée.
Quand on voit ce que des margoulins ont fait de son œuvre par après.
J’espère qu’ils liront cette histoire et que la honte telle une épée de Damoclès pèsera au-dessus de leur tête le restant de leur vie.
Mais il est temps de passer à table, hein Edgar…
"À table! Edgar! C’est prêt!" crie sa chouke. Et notre ami lève sa plume et rejoint Jeanne pour le repas.
Malgré mes remarques pointilleuses, j’ai beaucoup aimé ce récit et je félicite leurs auteurs.
Qui aime bien châtie bien.
C’est tellement beau que je n’en ai pas eu assez.Le départ vers l’infini de ce dessinateur si remarquable ce 20 février 1987 est de toute beauté.
Le livre se termine par le très beau récit de François Rivière de sa première rencontre avec Jacobs.
Et aussi des notices biographiques des personnages qui éclairent certains moments de l’histoire puis une biographie chronologique et enfin les remerciements.
Merci Philippe Wurm et François Rivière sans oublier le fantastique coloriste Benoit BekaertChronique : M. Destrée
Mise en page : SDJuan -
BATEM - Le MARSUPILAMI - Une vie en dessins
- Par asbl-creabulles
- Le 17/01/2022
UNE VIE EN DESSINS
Scénario : BATEM
Dessin : BATEM et André FRANQUIN
Couleurs : BATEM
Dépot légal : le 14 janvier 2022
Editeur :
Collection : CHAMPAKA BRUSSELS
Genre : Une tranche de vie
Format : 320mm (H) / 235mm (L)
ISBN : 978-23-90410-14-0
Nombre de pages : 256Qui ne connaît pas Batem ? Mais peu savent que son vrai nom est Luc Collin. Belge né au Congo, l’année de la proclamation de l’Indépendance du pays, ses années de scolarité vont donc se passer en Belgique.
Le jeune Luc est un admirateur enthousiaste du travail de Franquin. Le destin va même lui faire croiser le chemin de l’auteur mais cette première tentative de rencontre avec son "idole" n’aboutit pas au succès escompté. S’il n’a pas pu échanger avec lui, son amour du dessin reste toujours aussi vif, ce qui le pousse à suivre des cours à l’Atelier BD de l’Académie des Beaux-Arts de Chatelet dirigé par Vittorio Leonardo. Sa passion pour l’illustration n’en sera que plus forte encore et se concrétise par une inscription à l’Institut Saint-Luc de Liège. En cette année 1982, le voici désormais diplômé, mais le plus difficile reste à venir. Il présente en vain son travail à différents éditeurs. Certains lui conseillent d’essayer plutôt le dessin réaliste… En fait, c’est du côté de Dupuis qu’il va trouver sa voie dans la BD d’humour, plus précisément dans une filiale nommée SEPP (Société d'édition, de presse et de publicité) spécialisée dans l'adaptation audiovisuelle et les exploitations dérivées (publicité, merchandising) des personnages du "Journal de Spirou" comme Boule et Bill, Gaston Lagaffe, les Schtroumpfs et… le Marsupilami dont Franquin a conservé les droits. C’est ce projet qui va tout déclencher avec l’aide d’un autre passionné du Marsupilami, Jean-François Moyersoen, le créateur des éditions Marsu Productions. En 1986, ce dernier convainc son ami Franquin de donner à son personnage sa propre série. Immense travail en perspective et fabuleux coup de chance pour Batem, d’abord contacté par Jean-François Moyersoen puis par Franquin en personne pour participer à cette aventure. Batem aura donc l’immense honneur et privilège d'être le dernier dessinateur que Franquin aura le plaisir d'aider et de former. Il bénéficiera des conseils du "maître" et de quelques-uns de ses storyboards qu’ils retravailleront parfois même ensemble, mais c’est bien Batem qui réalisera la totalité des planches. Et le succès sera au rendez-vous, le premier album publié par Marsu Productions sera vendu à plus de 600.000 exemplaires. Si Franquin dessine encore quelques couvertures, très vite il en confie la réalisation à Batem, convaincu par la compétence et le talent de son jeune collaborateur.
Fidèle à la collection "Une vie en dessins" de Dupuis et Champaka Eds, qui nous fait voyager au cœur de la création des tout grands auteurs du 9e art, cet album rassemble une biographie détaillée et riche en anecdotes et des reproductions de qualité des principaux travaux de l’auteur. Cet ouvrage m’a apporté la plupart des réponses aux questions que je n’ai jamais osé poser à Batem lorsque j'ai eu la chance de le rencontrer en festival ou en librairie, ou même lorsqu’il a participé à l’une des dernières éditions des fabuleuses Jornadas Comiqueras de Barcelone où mon rôle de contact auteurs me donnait l’occasion de côtoyer les auteurs de très près (encore merci à Rafel pour cette magnifique expérience). Il a aussi eu la générosité de participer à l'une de nos opérations caritatives Créabulles.
Batem a toute sa place dans cette collection avec le célèbre Marsupilami qui en est à son 33e album auquel il faut ajouter plusieurs Hors-séries, des tirages de luxe ainsi que d’autres titres ou essais, etc.
Cette "bible" de documentation sur Batem nous présente de manière très intéressante et captivante son parcours, suivi à partir du tiers de l'album, de pages davantage consacrées à diverses anecdotes et aux bons moments vécus par l'auteur durant toutes ces années.
On apprend plein de choses quant à sa passion pour son métier dès son adolescence, ses rapports avec Franquin évidemment, son immense douleur lors de sa disparition en mai 1997, mais aussi ses relations avec les scénaristes de la série et toutes ces personnes qui lui ont permis de devenir l’auteur reconnu et apprécié qu’il est aujourd'hui.
La partie illustrations est particulièrement généreuse et d’une qualité de haut niveau. On y découvre ses débuts avec des croquis pour l’animation, puis un large éventail de ses travaux, crayonnés, planches encrées, cases, couvertures, illustrations couleur… souvent accompagnés de ses propres commentaires. Surtout, ce beau livre nous permet d’apprécier tout le talent de l’artiste. Il démontre qu’André Franquin ne s’était pas trompé à propos de Luc quant à ses qualités d’illustrateur animalier, mais pas que. En effet, Luc n’est pas en reste pour son soin et son habileté à dessiner des décors ou des personnages, rendre leurs expressions plus agréables et évidentes, agrémenter ses albums de nombreux gags visuels comme en témoignent les nombreux crayonnés et encrés que contient l’album.
Une lecture passionnante pour les fans mais aussi pour quiconque souhaite découvrir ce grand de la BD qui a su demeurer humble dans le succès, rester accessible et qui apprécie toujours de pouvoir rencontrer ses lecteurs. Et c’est loin d’être fini puisque de nouvelles aventures sont au programme pour notre plus grand plaisir.
L’album est disponible en éditions normale et spéciale (tirage de tête à 499 exemplaires avec frontispice inédit imprimé sur papier d'art, numéroté et signé).
SDJuan
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PAR LA FORÊT
- Par asbl-creabulles
- Le 13/01/2022
Scénario : Anthony PASTOR
Dessin : Jean-Christophe CHAUZY
Couleurs : Jean-Christophe CHAUZY
Dépot légal : octobre 2021
Editeur :
Grand format
ISBN : 978-2-203-21832-1
Nombre de pages : 158Trois ans déjà que Lucie a disparu pendant qu’elle faisait son jogging habituel. A l’époque, deux jeunes policiers ont mené une enquête, sans succès. Aucune trace de la "victime" supposée ni aucune arrestation évidemment. Plusieurs personnes ont été soupçonnées dont un homme se disant ornithologue qui traînait dans les parages mais l'enquête n'a rien donné. Obsédée par cette enquête qui n’a pas abouti, la jeune enquêtrice annonce à son coéquipier avec qui elle s’était rapprochée au fil du temps qu’elle souhaite rouvrir le dossier. Elle a même loué l'ancien domicile de la jeune femme disparue. Un hasard, paraît-il. En réalité, leur couple connaît pas mal de tensions depuis un certain temps et ce déménagement tombe à pic. En s’installant près de cette forêt, elle va découvrir que la mère de Lucie y vit maintenant sous une tente pour mieux communier avec sa fille à travers les arbres. Lentement mais sûrement l'enquête va prendre une autre tournure car tout semble impliquer la forêt…
Mon avis : Si la jeune disparue constitue le thème central de l'histoire, c'est tout ce qui accompagne sa disparition ou en résulte qui suscite l’intérêt. Anthony Pastor développe chaque personnage dans ce sens : l'enquêtrice en tout premier lieu, son collègue policier avec qui elle a pris ses distances, tous ces autres témoins de l'époque de la disparition qui reviennent sur le devant de la scène, y compris la mère de Lucie qui semble savoir ce qui a pu se produire… et surtout cette forêt, bien présente tout au long de l’album, et qui devient un personnage à part entière. Le tout s'entremêle et s'entrechoque pour, au final, nous laisser avec une interrogation qui ne trouvera jamais de réponse.
Jean-Christophe Chauzy transpose cette histoire en images avec des personnages bien distincts et typés, témoins suspects, personnes au caractère effacé, policière qui perd pied, etc. Chauzy est toujours aussi à l'aise sur les décors tant urbains que naturels comme cette forêt omniprésente. C’est visuellement très réussi. On voyage dans cette forêt sur plusieurs pages sans bulles, sans texte. Le dessin suffit par lui-même. De même pour la mise en couleurs. Un subtil mélange de tons froids avec une touche plus chaude et inversement, qui met bien en avant ce qui doit être perçu en premier lieu sans toutefois faire abstraction du reste. On est davantage observateur que lecteur sur certaines scènes, en s'interrogeant sur ce qui se passe ou ce qui aurait pu se passer.
SDJuan
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LE PIÈGE AMÉRICAIN
- Par asbl-creabulles
- Le 13/01/2022
Le Piège Américain - Les Dessous de l'Affaire Alstom
Scénario : Matthieu ARON
Dessin : Hervé DUPHOT
Couleurs : Hervé DUPHOT
Dépot légal : Novembre 2021
Editeur :
Collection : Hors Collection Delcourt
Format normal
ISBN : 978-2-413-03738-5
Nombre de pages : 1362014. Le journaliste Matthieu Aron a pris la tête d’une cellule d’investigation récemment créée au sein du groupe Radio France. L’équipe qu’il a constituée travaille pour alimenter l’émission d’enquête "Secrets d’info" diffusée sur France Inter. Il s’agit avant tout d’enquêter sur des faits méconnus ou passés presque inaperçus dans les infos quotidiennes faute de temps et de moyens professionnels. En pleine "affaire Strauss-Kahn", son collègue Thomas Legrand lui rapporte les confidences d’un entraîneur de rugby à propos de pratiques douteuses concernant la vente d’Alstom à General Electric. L’informateur de l’entraîneur n’étant autre que l’un des dirigeants d’Alstom, Matthieu lance aussitôt ses journalistes-enquêteurs sur ce dossier. Il va vite se rendre compte de l’ampleur de l’affaire. En avril 2013, Frédéric Pierucci, cadre chez Alstom a été arrêté par le FBI sous le prétexte de pratiques commerciales douteuses et corruption lors de la conclusion d’un contrat en Indonésie en 2010. Au total, il va passer deux années dans les prisons américaines. Il a servi d’otage et de moyen de pression pour obliger Alstom à vendre l’ensemble de ses activités énergie et réseaux convoitées depuis si longtemps par les Américains à son concurrent US General Electric. Pour Matthieu Aron, il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une pure manœuvre de chantage.
Mon avis : Dès les premières pages, on entre dans le vif du sujet avec les tout premiers débuts de la cellule d’investigation de France-Inter puis on suit pas à pas l’enquête de Matthieu Aron qui a écrit ce récit avec Frédéric Pierucci comme une intrigue au suspense savamment entretenu de bout en bout.
On accroche et on vit cette recherche de vérité en tombant des nues au fil de la lecture.
L’empathie pour la victime de ce qui s’avère être un chantage politico-économique va crescendo.
Notre regard change sur cette "Amérique, première puissance mondiale". Elle nous apparaît comme un gigantesque groupe de pression capitaliste dont l’activité d’influence et de lobbying semble sans limite. L’impunité dont elle jouit et son pouvoir de nuisance sont plutôt effrayants.
Mais l’album évoque aussi une coupable complaisance et l’attitude équivoque de Patrick Kron, alors PDG d’Alstom, dans cette affaire.
Un récit captivant entre documentaire d’investigation et grand reportage mais surtout très révélateur de la nature profonde et des anomalies de notre système politico-économique.Allant à l’essentiel, le dessin d’Hervé Duphot est surtout basé sur des rencontres, des huis clos, des personnages et/ou groupes au premier plan ou au plan moyen.
Malgré tout, l'intrigue ne nous lâche pas.
On accompagne les protagonistes en ville, au bureau, lors de leurs différents déplacements en avion, en voiture.
Un album de 136 pages que l’on feuillette avec intérêt et plaisir tant la narration est fluide et intense.
On a envie de savoir tant cette histoire paraît surréaliste.
L’auteur a fait le choix de tons apaisants, en bichromie à dominante bleue, orangée ou verte, donnant toute sa place au récit.SDJuan