Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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CORTO MALTESE Océan noir
- Par asbl-creabulles
- Le 06/09/2021
Océan noir
Scénario : Martin QUENEHEN
Dessin : Bastien VIVÈS
Couleurs : <N&B>
Lettrage : Philippe GLOGOWSKI
D'après Hugo PRATT
Dépot légal : Septembre 2021
Editeur :
Collection : Corto Maltese
Format souple
ISBN : 978-2-203-22473-5
Nombre de pages : 1662001 en Mer de Chine. Corto Maltese est venu aider des pirates à dérober des objets de valeur sur le yacht de son richissime propriétaire, des tableaux, des bijoux peut-être... Alors qu’il patiente sur sa petite embarcation, prêt à filer au plus vite une fois le trésor dérobé, il entend des coups de feu. Il se précipite à bord pour découvrir ce qu’il se passe. Des hommes gisent au sol, tués par les pirates qui avaient donné leur parole qu’il n’y aurait aucune victime. Il aperçoit un vieil homme terrifié qu’il s’empresse de ramener sur son embarcation avant de s’éloigner au plus vite du yacht. L’homme tient précieusement entre ses bras un livre intitulé "Comentarios Reales de los Incas". Il demande à Corto de le mener jusqu’au Japon car il désire revoir sa fille. Sur place, lors d’une représentation théâtrale l’homme est blessé à mort par un samouraï masqué sous les yeux terrifiés de sa fille et ceux de Corto. Avant de mourir, il a juste le temps de prononcer un mot : Callahuaya. Ayant récupéré le livre, Corto découvre qu’il contiendrait le moyen de retrouver la tête d’or du Callahuaya. Mais avant de prendre la route des Andes, il apprend aussi que la victime, le docteur Fukuda, faisait partie d’une secte nationaliste nommée Océan noir et que le Naicho, autrement dit les services secrets japonais, s’intéressent aussi au fameux livre…
Mon avis: Dessiner un Corto Maltese… Pas mal de temps s’est écoulé depuis la petite graine semée dans la tête de Bastien Vivès par Benoît Mouchart, directeur éditorial BD chez Casterman, jusqu’à l’aboutissement de ce projet.
C’est Martin Quenehen, avec qui Vivès a fait Quatorze juillet (un polar abordant le grave sujet des attentats toujours présents dans les esprits jusque dans ce petit village au fin fond du Vercors) qui a enclenché le processus. Ne cessant de lui parler de Pratt et de Corto Maltese, Bastien Vivès a finalement demandé à son complice de lui écrire une histoire. C’est ainsi qu’est né Océan Noir.
Il m’a fallu un petit temps d’adaptation pour m’imprégner complètement de ce Corto Maltese évoluant dans un univers contemporain, au tout début de notre XXIe siècle… autour du 11 septembre 2001 pour être plus précis.
Au départ, on se dit que ça ne va pas le faire. Puis, contre toute attente, la magie fonctionne. On retrouve notre Corto Maltese toujours prêt pour l’aventure, aidant les plus faibles, suivant les traces d’un trésor présumé, faisant face aux autorités quelles qu’elles soient et comme toujours, bien entouré de filles certes ravissantes et sensuelles à souhait mais tout aussi déterminées, libres et aventurières que lui. Des filles prêtes à s’engager dans des missions à ses côtés mais usant de leur libre arbitre à tout moment pour choisir d’aller ou non jusqu’à leur terme.
Il n’y a pas à dire, le Corto Maltese de Quenehen et Vivès conserve les atouts ayant fait la renommée du personnage. À cette différence que les auteurs ont en quelque sorte "adapté" le héros de Pratt pour le faire vivre selon leurs propres codes, leur propre langage.
Ce faisant, ils nous régalent d’un personnage modernisé, un beau gosse aventurier plein de vivacité et d’entrain qu’ils font évoluer dans un contexte globalement plus nerveux.Côté dessin, on reconnaît bien le trait de Vivès, efficace et ciblant toujours le principal, mais quelque part il a mis un soupçon de Pratt dans sa façon de poser les personnages, les décors mais aussi la plume et l’encre. Notre ami Raspoutine est ainsi très fidèle à lui-même.
Une belle surprise, un très agréable moment de lecture … avant de retrouver Corto sous la plume de Juan Díaz Canalès et le crayon de Rubén Pellejero.
L’album existe aussi en édition luxe grand format avec couverture rigide et jaquette illustrée, augmentée d'un cahier graphique de 16 pages en fin d'album. Les quatorze premières planches ont été mises en couleur par Patrizia Zanotti.À l'occasion de la Fête de la BD de Bruxelles, une exposition d’illustrations grand format issues des albums d’Hugo Pratt est organisée au Parc de Bruxelles. Elle présente plus de 100 dessins illustrant les différentes facettes de la personnalité complexe, séduisante et passionnante de Corto. Elles seront exposées sur les grilles du Parc de Bruxelles (en face du Palais royal) du 9 septembre au 9 octobre 2021.
SDJuan
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BOB MORANE T1
- Par asbl-creabulles
- Le 02/09/2021
Tome 1 : Les 1001 Démons de l'Ombre Jaune
Scénario : Christophe BEC et Éric CORBEYRAN
Dessin : Paolo GRELLA
Couleurs : Sébastien GÉRARD
Dépot légal : Septembre 2021
Editeur :
Grand format
ISBN : 978-2-302-09107-8
Nombre de ages : 56Indochine sous contrôle français en 1954. Un avion survole la jungle au sud de la province d’Annam (protectorat français correspondant à la zone centrale du Vietnam actuel). Bob Morane et Bill Ballantine sont sur le point d’être parachutés en compagnie du professeur Borulnik, un anthropologue, et d’une escouade de douze paras. La mission commence mal car Bill, dont c’est le premier saut, hésite à suivre tout de suite le commandant Bob Morane et le professeur. Les quelques secondes qu’il fait perdre aux autres membres de l’expédition va leur faire rater le point de chute, les faisant atterrir en pleine zone hostile, sous le feu des "Viet Minh". Au sol, Bob a vite pris conscience du problème. Laissant le professeur seul, il part pour tenter de venir en aide à Bill et à ses hommes. Sur place, c’est un véritable massacre. Tous les paras sont morts, à l’exception de Bill qui s’était retrouvé suspendu à son parachute accroché dans un arbre. De là, il a tout vu. Des femmes, de véritables furies armées de sabres, ont fondu sur les paras et les ont tous massacrés. En fait, ils ne sont pas au bout de leurs surprises après avoir rejoint dans la nuit le fortin de la base française où le général Beaufranchet les attendait. Le général leur fait des révélations tout aussi incroyables concernant des rumeurs d’attaques perpétrées par des femmes qui trucident tous les hommes dans la zone. Même lui s’est sorti d’une attaque avec une simple balafre sur le visage. Pour Bob, la situation est grave car il a perdu son escorte pour mener sa mission à bien et il ne pourra pas compter sur l’appui du général qui est en manque d’effectif. De plus, le courant ne passe plus vraiment entre les deux hommes à cause d’une ancienne querelle remontant à la guerre contre les Allemands. C’est alors qu’arrive un homme blessé, Jean Charpentier, un cinéaste venu accompagner un détachement pour réaliser un film documentaire. Lui aussi a été attaqué par des femmes. Une chance, il a tout filmé.
Mon avis : Peu de temps après la disparition d’Henri Vernes, le papa de Bob Morane, une nouvelle histoire sort en librairie.
Créé en 1953, le personnage a vécu de multiples aventures sous le crayon de très bons et nombreux auteurs (Pierre Joubert, Dino Attanasio, Gérald Forton, William Vance, René Follet, Patrice Sanahujas, Coria … salués par Christophe Bec en page de garde). Aujourd’hui, c'est une nouvelle équipe artistique qui reprend le flambeau. Même si le reboot – ayant reçu un accueil mitigé, voire désapprouvé par certains puristes – dû à Dimitri Armand au dessin et Luc Brunschwig associé à Aurélien Ducoudray au scénario m'avait bien plu, donnant une vision peut-être un rien "trop moderne" du héros, on peut dire que cette nouvelle version devrait ravir les fidèles de Bob Morane. Elle a même reçu l’aval d’Henri Vernes qui, interrogé à propos de cette nouvelle BD Bob Morane, a répondu : "Je dirais continuité et respect".
De fait, cette version de Christophe Bec et Éric Corbeyran au scénario et Paolo Grella au dessin est davantage fidèle à la série d’origine. Christophe Bec ne cache pas que ce projet a mis du temps, plusieurs longues années semées d’embûches, d’obstacles, d’échecs … avant de voir enfin le jour.
D'entrée de jeu, l’histoire se déroule en Extrême-Orient. Elle met en scène de belles guerrières et est agrémentée d’une bonne dose de science-fiction. Les (bonnes) bases sont posées. Il ne reste plus à Bob et Bill qu’à faire le reste pour contrer les projets diaboliques d'un vieil ennemi : L'Ombre Jaune.
Clairement ça commence très fort et, en plus, tous les ingrédients pour faire une bonne BD d'aventure sont là : des héros toujours prêts à se battre, une intrigue internationale, des recherches scientifiques détournées de leur objectif initial pour créer des armes vivantes, un ennemi à la taille des héros, des flashes-back limpides, des dialogues bien amenés. On retrouve tous les éléments qui ont fait le succès de la série.
Christophe Bec et Éric Corbeyran s'en donnent à cœur joie avec un scénario des plus efficaces et bien mené de bout en bout où surprises, rebondissements et suspense sont au rendez-vous. Ils sont bien à la hauteur de nos attentes sur un tel projet.La deuxième grosse surprise à mes yeux réside dans le niveau de qualité des illustrations réalisées par Paolo Grella. Dès la prise en main de l’album en effet, c’est la première chose que l’on remarque : le dessin ! Quelle superbe couverture, dans un style typique de la grande époque Bob Morane.
L’album suit le même schéma tout en restant assez moderne pour préserver la marque du dessinateur (Paolo est un "jeune" quarantenaire !). J'espère que le public ressentira la même chose.
Les couleurs de Sébastien Gérard complètent le tableau en assurant la continuité avec la série-mère. Un très beau travail de mise en lumière donnant encore plus d'énergie au récit y compris sur les scènes sombres. Les rares flashes-back sont clairement différenciés dans des tons grisés facilitant la lecture.
Paolo Grella a bien assimilé les personnages de la série, il nous offre une belle mise en page, un découpage dynamique, des scènes d'action réussies, une narration fluide et n’oublions pas un Monsieur Ming, alias l'Ombre Jaune, des plus impressionnants, même s’il est peu présent dans l’album.
Un très bon album qui devrait ravir le plus grand nombre de lecteurs en commençant par les "fans" et les plus soucieux de purisme mais aussi, espérons-le, de nouveaux lecteurs.SDJuan
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CAPABLANCA
- Par asbl-creabulles
- Le 29/08/2021
Scénario : Joan MUNDET
Dessin : Joan MUNDET
Couleurs : Joan MUNDET
Dépot légal : 2020/2021
Editeur : BD Must
Format : Grand format
ISBN : 978-2-87535-510-2
Nombre de pages : +/- 54L’action se déroule en Catalogne au début du XVIIe siècle. Tout commence en 1604 avec l'enquête sur la mort d'une jeune femme dont le corps a été retrouvé au bord du Camino Real aussi appelé Camino Ignaciano (chemin ignatien). Pour rappel, il s’agit du chemin parcouru en 1522 par Ignacio de Loyola, prêtre et théologien fondateur de la Compagnie de Jésus, autrement dit l’Ordre des Jésuites, depuis sa maison natale d’Azpeitia en Euskadi jusqu’à Manresa non loin de Montserrat (au nord de Barcelone) sur les terres du Pays basque, de Rioja, Navarre, Aragon et Catalogne.
Après la découverte du cadavre, le procureur en personne décide de se charger du dossier. Alors que la présence de boutons sur le corps de la victime donne à penser qu’elle était malade, on découvre sur elle un certificat de bonne santé. Ce document va permettre de l’identifier et de poursuivre l’enquête. Cette femme s'appelle Doña Joana Parès. Elle est de nationalité française. Elle est la deuxième épouse d'Antich Muntada avec qui elle a eu un enfant nommé Joan. Après le décès de sa première femme avec laquelle il a eu deux fils – désormais les demi-frères de Joan – Antich Muntada s’est remarié, ce que ses deux garçons n’ont pas du tout apprécié. Après la naissance de Joan, l’un d’eux en particulier, Sébastiá, n’a eu de cesse de rendre la vie impossible à son jeune demi-frère, l’humilier, le traiter de bâtard. Heureusement, Joan avait le soutien de Jerónita la femme de l’autre frère…Les années passent et nous voici en 1607. La milice urbaine catalane pourchasse un redoutable bandit nommé Caracreu et sa bande de malfrats. Une véritable course poursuite s’est engagée qui menace la paix dans la région. Un peu plus tard, un certain Don Rodrigo de Ucero y Acosta fait son apparition chez les Muntada. Il revendique le "château" de Pera et l’ensemble du domaine sur lequel les Muntada ont installé leur ferme. Il brandit un testament signé par Don Gregorio de Clasqueri, le seigneur des lieux qui lui lègue la propriété de tous ses biens. La vie paisible semble s’éloigner encore un peu plus pour les Muntada. Tous les événements survenus depuis la mort de cette femme vont s’enchaîner et venir chambouler la vie des uns et des autres, en commençant par celle du jeune Joan Muntada. Ce n’est que le début d’une longue descente aux enfers pour celui qui va devenir le brigand connu sous le nom de Capablanca.
Mon avis: Joan Mundet nous propose une œuvre de fiction sur fond historique se déroulant au XVIIe siècle dans la région de la Sierra de l’Obac (à une centaine de kilomètres au nord-ouest de Barcelone).
C’est là que trouvaient refuge et sévissaient des hors-la-loi et bandits de grand chemin catalans qui terrorisaient tous ceux qui se hasardaient à traverser la région. Selon, la légende le bandit Capablanca se serait caché dans une grotte au pied du Muronell, au cœur même de cette zone rocheuse calcaire comportant plusieurs grottes et gouffres dans son sous-sol.
La zone est aujourd’hui transformée en "Parc Natural de Sant Llorenç del Munt i l'Obac".Non seulement l’auteur nous raconte mais il nous fait réellement vivre l'histoire de ce jeune homme dont le caractère et le rapport à la vie vont évoluer et se transformer au fil des albums à mesure qu’il découvre qu’il vit dans un monde cruel et sans pitié. Il va s’instruire mais surtout se former au maniement de la "tolédienne" autrement dit l’épée, devenir plus fort et un redoutable combattant jusqu’à … [pas de spoiler :-)].
Joan Mundet nous propose une œuvre de fiction historique dans un style plutôt picaresque. Il a une maîtrise parfaite de la narration qui a été pensée dans son ensemble. En effet, dans son format original l’histoire est prévue en six albums comportant chacun 112 pages réparties en 8 chapitres, chaque album constituant en quelque sorte un épisode complet. En dépit d’un découpage différent, la VF offre une lecture plaisante grâce au fait qu’elle est éditée en packs de 3 tomes de +/-56 pages chacun.
La partie graphique colle tout à fait à la narration avec une grande diversité de plans, des décors fouillés, des personnages expressifs.
La VF bénéficie d’une mise en couleurs contrairement aux albums espagnols dans lesquels l’auteur nous offre un magnifique noir et blanc.
On sent le dessin pensé pour du noir et blanc au départ. Un trait net et précis mis en valeur par un encrage puissant (en 2019, la réédition en intégrale chez Panini España dans la collection Evolution Comics bénéficie elle aussi d’une mise en couleurs).
Ces couleurs sont plutôt atypiques, une sorte de trichromie à dominante sépia mais aussi quelques cases en gris bleuté.La série est prévue (en VF) en quatre cycles de trois tomes dont le troisième est actuellement en librairie, chaque pack étant vendu avec ex-libris numérotés et pour ce pack (tomes 4 à 6) un dossier format A4 broché.
SDJuan
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RÉCRÉ A3
- Par asbl-creabulles
- Le 29/08/2021
Tome 1 : Cornes aux Fulgures et Plats de Nitrons
Scénario : SYLXX
Dessin : YOCKMAN
Couleurs : LILLY
Dépot légal : juin 2021
Editeur :
Format normal
ISBN : 978-2-302-09423-9
Planches : 46Actarustre, prince d’Oeufort, a réussi à bord de son vaisseau Goldorak à sauver une fois de plus la Terre en déglinguant le dernier golgouth envoyé par le Grand Stratosphère, le chef des Veglans, qui n’en peut plus d’avoir à ses ordres une bande d’incapables, parmi lesquels Minablos et Hydargus. Ayant rangé "goldo" pour une prochaine mission, Actarustre se retrouve chargé d’aller accueillir le nouveau membre engagé par le Centre, Candide, une jeune fille qu’il entreprend aussitôt, fidèle à sa réputation, de draguer… Peu après, le célèbre Albatard, capitaine de l’Atlantise et lui aussi corsaire de l’espace, vient prévenir Actarustre et ses amis d’une autre menace : Raaflesia la reine des Sylfilles vient de s’allier aux Veglans. Mais le vrai défi est-il réellement dans l’espace ?
Mon avis: 2021 marque le grand retour des séries animées japonaises, Albator et surtout le très attendu Goldorak notamment, qui ont baigné la jeunesse de tous ceux qui les suivaient sur Antenne 2 grâce à Dorothée qui avait ouvert son émission "Récré A2" à la fin des années 1970 aux dessins animés du pays du soleil levant. Goldorak (UFO Robot Grendizer en version originale) est une série animée japonaise réalisée en 1975 par Toei Animation d'après le manga de Gō Nagai. Quarante ans plus tard, en octobre 2021, Goldorak va donc faire son grand retour sur la chaîne Mangas, en version remasterisée et non censurée.
Et pour patienter, voici déjà une belle parodie réalisée par des connaisseurs et passionnés, Sylvain Cordurié, alias Sylxx, au scénario et Boris Beuzelin, alias Yockwan, au dessin, qui ont créé un mix de trois héros, Candy, Albator et Goldorak, le tout étant davantage plongé dans l’univers de ce dernier… même si Lily aurait sans aucun doute préféré Candy. Il est prévu de voir d'autres personnages de l'époque (Capitaine Flam entre autres) dans les prochains albums.
Les échanges sont drôles et parfois même décapants. On sent que les auteurs se sont amusés, qu'ils ont la maîtrise et la connaissance de ces univers pour éviter le côté "geek" afin de rester accessible au plus grand nombre. Certains diront que c’est trop gentillet et pas assez trash mais sans doute fallait-il séduire un public plus jeune que les anciens "fans". L’humour est omniprésent, tantôt gentil et acidulé, tantôt moqueur et méchant du genre qui en met plein la tronche à .... [pas de spoiler ici].Du côté dessin, Yockman a réussi à métamorphoser et pasticher ces trois univers avec des personnages un rien caricaturés mais toujours parfaitement reconnaissables même s’ils portent des noms pastichés. Une mise en page et des cadrages performants, un trait énergique réussi, en particulier pour les personnages représentés dans un style très manga, bien sûr, avec des expressions exagérées parfois même burlesques.
Très agréable mise en couleurs de Sandrine Cordurié, alias Lily, apportant lumière et volume à ces aventures de "space opera" en version "Récré A3".
Mais que de souvenirs pour les gamins des années Récré A2 (sur Antenne 2) suivies du Club Dorothée (sur TF1) !SDJuan
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RECONSTRUKT ?
- Par asbl-creabulles
- Le 27/08/2021
TT de l'expo Enki Bilal RECONSTRUKT
Si vous avez lu mes chroniques expos, vous savez qu’actuellement, les œuvres de Bilal sont visibles chez Artcurial et à la Galerie Barbier à Paris dans des expos complémentaires.
Comme à leur habitude, les Éditions Barbier proposent un très beau livre catalogue pour poursuivre et revivre l’exposition chez soi.
Il a été imprimé à 500 exemplaires accompagnés d’une sérigraphie originale numérotée et signée.
Très belle réalisation à la couverture en gros carton tenu par un dos toilé contenant des pages d’un épais papier blancIl se compose de trois parties.
1 _ reconstrukt présente 7 calques sur pages blanches ainsi que les travaux couleurs autour des 7 dessins qui seront exposés.
2 _ déconstrukt montre des cases des derniers albums et des illustrations couleurs.
3 _ inside Guernica-déflagrations propose les dessins des enfants qui ont vécu l’atrocité des conflits guerriers.
Ces scènes terribles vécues par ces jeunes rejoignent à leur manière l’univers de Bilal.
En effet, la guerre est très présente dans ces BD.Il dessine une humanité hantée, traumatisée par les guerres passées.
Il représente aussi un monde conduit et formaté par les technologies à venir dans un futur teinté de SF débridée.
Les états liquides, solides, gazeux, le métal, les habits sont tous imprégnés par Sa marque, son style de dessin imitable peut-être au début, du temps des points et des multiples traits mais Inimitables actuellement car c’est un mélange de couleur très personnalisé que le Maître manie et étale sur le papier blanc ou teinté.
Une vision très intérieure où la Mémoire serait le héros (dixit Bilal). Mais trop personnelle et déroutante pour certains.
Mais n’est-ce pas le propre des grands artistes, de ne pas faire l’unanimité ?M.Destrée
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RAWHERO
- Par asbl-creabulles
- Le 24/08/2021
Tome 1
Scénario : Akira HIRAMOTO
Dessin : Akira HIRAMOTO
Couleurs : <N&B>
Traduction : Florent GORGEST
Dépot légal : juin 2021
Editeur :
Collection : Manga Seinen
Format Manga
ISBN : 978-2-302-09426-0
Nombre de pages : 176Chiaki et ses deux frères sont orphelins depuis la mort de leur père. Chiaki l’aîné de la fratrie assure l’entretien de Chiharu, le cadet, et Chinatsu le plus jeune afin qu’ils poursuivent leurs études. Cela fait des mois qu’il recherche un emploi mais jusqu’ici aucun de ses entretiens d’embauche n’a abouti. Malgré tout, il persiste car il n’est pas question qu’ils retournent vivre chez leur oncle. Cette fois, il leur promet que ce sera la bonne. Mais dans le métro qui le conduit à son entretien du jour, il est témoin d’attouchements sexuels d’une incroyable indécence de la part d’un homme sur une jeune fille. Il se sent obligé d’intervenir. Il leur demande d’arrêter immédiatement et de descendre au prochain arrêt. L’homme lui réplique que la jeune fille est consentante et que ce n’est qu‘un petit jeu entre elle et lui. Sur le quai, la conversation s’envenime, l’homme propose d’arranger les choses mais Chiaki finit par regretter d’être intervenu en expliquant, dépité, qu’il vient de rater son entretien d’embauche. Par un heureux hasard, l’homme séduit par tant de franchise et de courage propose à Chiaki un emploi très bien rémunéré car il occupe un poste important au service renseignement de la police-justice. Chiaki devra infiltrer un Front de libération appelé SALF qui s’efforce de discréditer tous ceux désignés comme des "monstres", c’est-à-dire tous ceux qui acquièrent illégalement des super-pouvoirs pour défier l’autorité. L’objectif final du SALF est d’anéantir les super-héros…
Mon avis : Soleil Manga Seinen nous propose en VF le premier tome d’une mini-série dont les premières pages pourraient dérouter des lecteurs de par la nature des événements relatés et illustrés. Si d’autres évocations du même genre reviendront ensuite à intervalle régulier, le fait d’être clairement explicitées et assumées par les protagonistes les rendront moins "libertines"… Cela dit, il s’agit plutôt de l’arbre qui cache la forêt car on découvre très vite l’objet principal du récit, le SALF (Special Ability Liberation Front). Ce front de libération réclame du gouvernement une transparence totale concernant les super pouvoirs et tous ceux qui les détiennent. Il prétend agir pour la paix sociale et la justice… en mettant un terme aux nuisances prétendument provoquées par ceux désignés comme des "monstres". Chiaki se voit offrir la possibilité de devenir un héros, un justicier puisqu’on surnomme aussi parfois JMT (Justice Management Team) le service police-justice qu’il va rejoindre. Un scénario qui démarre sur les chapeaux de roues… dans le métro, et qui ne nous lâche plus ensuite. Et finalement le tout devient cohérent et plutôt captivant et l’on se prend même à sourire sur certains dialogues et/ou situations aux côtés de Chiaki qui a enfin trouvé un job auquel il n’aurait sans doute jamais pensé et qui se retrouvera même impliqué dans les déviances et autres pratiques fétichistes de son nouveau patron.
Le dessin d’Akira Hiramoto est impressionnant de réalisme en particulier sur les scènes érotiques dont il renforce et on pourrait même dire exagère le côté cru. C’est en quelque sorte sa marque de fabrique. Cela dit, le trait, les cadrages, la mise en page, tout est net, clair, efficace. Un style très dynamique restituant bien les tensions et les émotions y compris les plus inattendues.
RaWhero est sans aucun doute surprenant, peut-être choquant (manga Seinen à réserver aux majeur(e)s sexuel(e)s, 15 ans en France, 16 ans en Belgique, en Suisse et au Québec), en tout cas captivant.SDJuan
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I.S.S. SNIPERS
- Par asbl-creabulles
- Le 23/08/2021
Tome 1 : Reid Eckart
Scénario : Jean-Luc ISTIN
Dessin : Erwan SEURE-LE BIHAN
Couleurs : Erwan SEURE-LE BIHAN
Storyboard : Jean-Luc ISTIN
Couverture : Bertrand BENOÎT
Dépot légal : Juin 2021
Editeur :
Collection : Anticipation
Grand format
ISBN : 978-2-302-09134-4
Nombre de pages : 72Le commandant Reid Eckart œuvre au service de la Fédération des Planètes Unies. Il fait partie de l’immense armada qui sillonne l’espace pour apporter la paix aux 339 colonies humaines dispersées dans l’univers connu. Il commande un bataillon d'une centaine d'hommes, mi-humains mi-machines, mi-soldats mi-tueurs, qui lui obéissent au doigt et à l’œil pour écraser toute résistance à la Fédération. Sous les ordres de l’amiral, il enchaîne mission sur mission mais cela ne veut pas dire qu'il n'a pas un minimum de règles. Ses hommes ne tuent jamais d'enfants ni de femmes tant qu'ils ne représentent pas une menace pour eux ou pour la Fédération. Pour sa dernière mission, la FPU l’a envoyé sur la planète Okeelia dans le cadre d’un code rouge pour éliminer tout ce qui pourrait être assimilé à de la résistance. Cette planète possède des gisements importants de koropnite, un minerai qui a une valeur inestimable – une fois refroidi il est plus dur que le diamant et lorsqu'il est chauffé, il devient une drogue addictive au plus haut point. Bref, une mission qui aurait dû ressembler à tant d'autres. Mais une fois sur place, Reid Eckart sent que quelque chose cloche. Il s'imaginait débarquer sur une planète revendiquant son indépendance pour vendre cette koropnite au plus offrant et empocher le pactole. Sauf qu'il n'y a aucun humain, aucune résistance, juste des autochtones pacifistes qui ne demandent qu'à vivre en paix. Reid et ses hommes, décidés à ne pas les assassiner pour le seul profit de la Fédération, deviennent du coup des ennemis à éliminer de toute urgence.
Mon avis : Allons droit au but, ça castagne dur dans I.S.S. Snipers !
Si les missions s'enchaînent rapidement, cette fois ce n'est pas la population qui se rebelle contre la Fédération mais le héros qui s’interroge sur la véritable nature de la mission qui lui a été confiée, entraînant sa bande de potes (peu recommandables) des I.S.S Snipers à se rebeller contre la hiérarchie. Reid Eckart va devenir le grain de sable qui va enrayer le mécanisme bien huilé de racket que la Fédération pratique en toute impunité partout dans les différents systèmes qu’elle contrôle. Du coup elle va devoir envoyer un autre I.S.S. Snipers encore plus violent et dévastateur !
Jean-Luc Istin ne fait pas dans la dentelle. Les dialogues souvent crus et parfois sous-entendus fonctionnent à merveille.
Les scènes d’action se succèdent à une fréquence accrue. Le récit est captivant.
Un régal pour tous ceux qui aiment le genre bastons intergalactiques, mais pas que...
Une histoire bien ficelée et riche en action tout au long de laquelle Istin prend également le temps de dresser le portrait détaillé du héros et de ses principaux compagnons.Au dessin, Erwan Seure-Le Bihan rend particulièrement vivant ce space opéra hors normes grâce à des illustrations incroyables de précision et de détail, aussi bien l’espace intersidéral et ses paysages et décors que les vaisseaux de transport, les personnages, les tenues de combat, les armes…
Tout est pensé pour captiver notre attention dès les premières cases et il y en a à profusion y compris plusieurs superbes gros plans.
Les couleurs contribuent largement à créer l’ambiance des récits de science-fiction.
Album enrichi d’un cahier de 4 pages de croquis, recherches et crayonnés.SDJuan
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MADELEINE, RÉSISTANTE T1
- Par asbl-creabulles
- Le 20/08/2021
Tome 1/3 . La Rose dégoupillée
Scénario : Jean-David MORVAN & Madeleine RIFFAUD
Dessin : Dominique BERTAIL
Couleurs : <Bichromie>
Archives : Eloise DE LA MAISON
Dépot légal : août 2021
Editeur :
Grand format
ISBN : 979-10-34742-75-2
Nombre de pages : 1291931, Madeleine Riffaud n'a que 6 ans lorsque dans l’arbre où elle a grimpé lui parviennent les appels de ses amis lui demandant de venir voir "un truc qui fait peur". Si d’autres filles n'auraient pas osé y aller, elle en revanche, ne faisant ni une ni deux, saute rejoindre ses amis pour leur prouver qu'elle n'est pas pareille et aussi un peu par curiosité. Il s'agit d'un obus que les gamins ont décidé de démonter pour le vendre en pièces détachées. Apercevant sa mère qui l’appelle en marchant dans leur direction, Madeleine court pour faire diversion et l’empêcher d’atteindre le buisson où se trouve l’obus, laissant aux autres le temps de se cacher ou de filer, persuadée qu’ils attendront son retour le lendemain pour continuer leur démontage. En fait, il n'en est rien et ce qui devait arriver arriva. Ses amis seront littéralement pulvérisés par l’explosion de l'obus. Ce ne sera qu'un début pour Madeleine. Plus tard ce seront les humiliations, une attaque de tuberculose, son premier rapport sexuel, plutôt un viol, très mal vécu et enfoui au plus profond de son inconscient pendant très longtemps, la peur des soldats allemands omniprésents face auxquels elle se montrera toujours stoïque. Expérience d’un déjà long chemin en dents de scie qui va la pousser à vouloir faire quelque chose de sa vie, en commençant par rejoindre la résistance sans trop savoir comment, tout en découvrant son premier amour...
Mon avis : C'est après l’avoir vue dans un reportage télévisé que Jean-David Morvan a souhaité entrer en contact avec Madeleine Riffaud dans l’idée de raconter son histoire en bande dessinée.
Aujourd’hui âgée de 97 ans, Madeleine Riffaud a une mémoire prodigieuse même si elle a connu une période d’amnésie post-traumatique après la Libération. Elle est animée par le besoin de raconter sa vie, mais pour elle la BD, c’est pour les enfants. Son mari a réussi à la convaincre et accepter de faire le récit de sa vie pour une publication en bande dessinée car, selon lui, tout le monde et pas seulement les jeunes lisent de la BD.
Lors de ses nombreuses rencontres avec Jean-David Morvan et le dessinateur Dominique Bertail, qui sont devenus des amis, Madeleine a raconté son histoire mais aussi d’innombrables anecdotes et on le ressent dans l'album. À partir de ces centaines d’heures d’entretiens enregistrés, Jean-David Morvan a relevé le défi d’écrire l’exceptionnelle histoire de la vie de Madeleine.Il nous a donné l’occasion de la découvrir dès juillet 2020 avec la parution du premier de trois cahiers "Madeleine" d’une quarantaine de pages chacun (le second ayant paru en février 2021 et le troisième en juin 2021) constituant le premier tome (publié ce 21 août 2021) d’un premier cycle racontant la guerre vue par Madeleine Riffaud. On notera en couverture du premier cahier un portrait de Madeleine dessiné par Picasso car, oui, elle l’a rencontré comme beaucoup d’autres personnalités de l’époque…
Madeleine est une personne que la vie n'a pas épargnée mais qui a une énergie incroyable. C’est une battante, une survivante, dernier témoin encore vivant de la Libération de Paris. Organisée en chapitres, la narration est très fluide évitant le sentimentalisme et le sensationnalisme malgré le sujet traité.
On vit littéralement sa vie à ses côtés, tout au long d’un parcours extraordinairement difficile. On accroche tout de suite et on n'arrive plus à lâcher l'album tant on est pris par cette vie riche en événements et le parcours atypique si incroyable de cette femme qui entrera dans la Résistance à l’âge de 17 ans (sous le pseudo Rainer) durant la période de l'Occupation puis deviendra combattante lors de la Libération.
Dominique Bertail s'est lui aussi longuement entretenu avec Madeleine pour son travail d’illustrateur. Il a mis à profit ses rencontres pour bâtir des storyboards et capter sur le vif des attitudes, des silhouettes. Il illustre parfaitement son témoignage en nous offrant ce très bel album dans des tons bleutés alternativement prononcés ou légers, selon l'ambiance, mais toujours élégants. Les paysages et les décors sont impressionnants. S’agissant des personnages, il s’attache beaucoup à leurs regards, adultes et enfants, qu’il représente par des yeux ronds, mais aussi à l’expression des sentiments qui les animent, la tension, la tendresse, l’amour sans oublier la détermination de l’héroïne qui, dans ce premier tome, relate son entrée dans la Résistance.
A découvrir en fin d’album plusieurs pages illustrant les rencontres parfois croustillantes entre les auteurs et Madeleine.Une lecture passionnante que chacun peut compléter par plusieurs vidéos sur Youtube, un livre d'entretiens intitulé "On l'appelait Rainer" paru lors du cinquantenaire de la Libération, et un documentaire réalisé en 2010 intitulé "Les trois guerres de Madeleine Riffaud". La chaîne télé Arte diffuse fin août un reportage qui lui est consacré à l’occasion de la commémoration du 77e anniversaire de la Libération de Paris (25 août 1944) et la sortie, presqie simultatnée avec la BD, du livre "Les Lignes de la Nuit".
Un album à ne surtout pas rater et à mettre entre toutes les mains pour que son histoire ne soit jamais oubliée.SDJuan