INTERVIEW IVAN GIL

Pour commencer, une question personnelle : comment avez-vous vécu la pandémie de Covid-19 ? Vous a-t-elle impacté dans votre travail ?
Je dirais que je l'ai vécue comme presque tout le monde. Avec étonnement, incrédulité et une inquiétude extrême au début, puis j’ai progressivement changé mes habitudes régulières et par la suite j’ai travaillé comme j’ai pu. Oui, bien sûr, cela a affecté mon travail. Surtout au début car je n’arrivais pas à me détacher de l'actualité et ensuite pendant l'été car ma fille était toujours à la maison ! Heureusement, j’avais beaucoup plus de temps et avec un peu d’effort j’ai réussi à tenir les délais de livraison.

Quand avez-vous commencé à lire des bandes dessinées ?
Enfant, comme presque tous les gens de ma génération. Mais je reconnais que ce n'est qu'à l’adolescence que j'ai vraiment commencé à acheter et à lire davantage. Mais c’est quand je suis arrivé à l'université que je suis devenu un collectionneur et un lecteur compulsif.

Quelle a été votre première BD et pourquoi vous en souvenez-vous en particulier ?
Le numéro 1 du comics Spiderman Forum. J’avais 4 ans. Spiderman est devenu mon personnage préféré, et j'ai toujours le poster que contenait le comics (qui lui, par contre, s'est désagrégé avec le temps).

Quelles ont été et quelles sont vos influences, si vous en avez ? Et plus précisément en matière de BD ?
À une époque, cela avait de l’importance pour moi et j'en avais pleinement conscience. À présent, il y en a tellement et elles sont si étalées dans le temps qu’il m’est imposible de les résumer. Je citerai quelques noms qui me touchent par leur esthétique et l’émotion qu’ils suscitent chez moi : Harold Foster, Barry Windsor-Smith, Hermann, Manara, Corben, Giraud, Loisel… ces dernières années, ce sont plutôt des illustrateurs : Even Amundsen, Adrian Smith, Paul Bonner…

Quel a été votre premier travail en tant que dessinateur ?
Je pense que mon premier travail payé par un éditeur de bandes dessinées a été une affiche de Conan le Barbare pour Comics Forum (Planeta de Agostini) qui m’avait été commandée par Pere Olivé Zaragoza [Pete Olivé est un iIllustrateur, graphiste et dessinateur catalan qui a travaillé pour divers magazines tels que TBO ou Patufet, avant de rejoindre l'équipe de Grupo Planeta en 1973, où il a travaillé comme directeur artistique entre 1984 et 2006.] Mais à part divers petits boulots, c’est ma première série pour Dupuis, La Bataille, qui a été mon premier vrai travail.

Pouvez-vous nous parler de vos premiers contacts avec Gregorio Harriet et Garluk Aguirre? Aviez-vous envie de travailler avec eux ou est-ce l'éditeur qui vous a mis en relation ?
J'ai rencontré Gregorio par l'intermédiaire de l’éditeur qui publie nos albums franco-belges en espagnol. Gregorio avait repris l’écriture de scénarios après de nombreuses années d’interruption et il m'a proposé de collaborer avec lui, ce que j'ai accepté avec plaisir. Garluk était un collaborateur de Gregorio, et ils vivent à proximité l’un de l’autre, dans le nord de l’Espagne.

En ce qui concerne la documentation, comment procédez-vous ? À partir de recherches dans des livres personnels ou en bibliothèque ou bien sur internet ? Avez-vous ensuite tout partagé avec Gregorio ou Garluk ou bien vous êtes-vous aussi documenté de votre côté ?
Contrairement à mes autres projets, je dois reconnaître que le travail avec Gregorio est vraiment très facile : il fait beaucoup de recherches de documentation graphique et sur tous les sujets dont il a besoin pour le script, même s’il m’arrive ensuite de les compléter par des recherches personnelles.

Comment travaillez-vous avec Gregorio? Il vous passe le scénario page par page ou plusieurs à la fois?
En général, il s’efforce de m’envoyer le script complet et détaillé (accompagné de la documentation pour chaque page) même si parfois il ne m’en donne que la moitié lorsqu’il est encore en train de l’écrire. Mais cela ne dure pas longtemps, et en général j'ai le script complet.

Aimeriez-vous travailler avec un autre scénariste (franco-belge ou américain) en particulier?
Je dirais beaucoup. Mais en dix ans, je n'ai travaillé qu'avec trois et j'aimerais continuer comme ça car je crains de ne pouvoir aller au-delà. Mais j'adorerais travailler avec les plus grands bien sûr : Alan Moore, Morrison, Millar, Kirkman…, Dufaux, Van Hamme, Sfar...

Sur quels critères choisissez-vous le scénariste et le coloriste ? Est-ce l'éditeur qui vous les impose ? Cela dépend-il de l'histoire que vous voulez raconter ?
Pour ma première série, c'est Frédéric Richaud qui m'a choisi parmi d'autres candidats; en ce qui concerne mes autres projets avec Gregorio (Dragons de la frontière) ou Rudi Miel (Buonaparte), il s’agit de contacts personnels dans des festivals qui nous ont donné l’occasion de présenter des projets aux éditeurs.

Compte tenu des histoires que vous avez dessinées sur Napoléon, allez-vous devenir le nouveau spécialiste espagnol de ce personnage ?
Après trois séries, je suppose que j’ai acquis une grande connaissance de cette période. Mais je suis loin de connaître tout ce qui a été publié à ce sujet, il y en a des tonnes ! En tout cas, j'aime changer de décor... comme c’est le cas avec Les Dragons de la frontière.

Qu'avez-vous lu dernièrement et qu'avez-vous aimé et pourquoi ?
Ces derniers temps, je suis revenu à la littérature, je fais des recherches documentaires et je relis de vieilles bandes dessinées. Pour mentionner quelque chose de récent, je dirais le Blueberry de Sfar et Blain. Un bon exemple d'air frais et de reprise d’un personnage très ancien.

Avez-vous beaucoup d'histoires en préparation ?
Je suis au milieu de la série Buonaparte et celle consacrée aux Dragons de la frontière pourrait avoir un deuxième cycle. Je n'ai donc pas de nouveaux projets en préparation. J'en ai toutefois un dans un tiroir, sur les Romains, qui reste disponible si l'occasion se présente.

Merci beaucoup d’avoir répondu à nos questions et je tiens à redire que vous nous avez offert une BD de très bonne qualité ! Vous formez à vous trois une équipe artistique hors du commun !
Moi aussi, je vous remercie pour votre intérêt. Effectivement, j'ai beaucoup de chance d'être accompagné de coéquipiers aussi talentueux.

SDJuan