Chroniques
Quelques-unes des BD qui nous ont le plus marqués.
N’y voyez aucun a priori, aucune prise de tête, aucune volonté de gonfler nos egos mais tout simplement l’envie de vous faire partager nos impressions de lecture.
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CES LIGNES QUI TRACENT MON CORPS
- Par asbl-creabulles
- Le 09/09/2025
Scénario : Mansoureh KAMARI
Dessin : Mansoureh KAMARI
Couleurs : Mansoureh KAMARI
Dépot légal : septembre 2025
Editeur :
Autre format
EAN/ISBN : 978-2-203-29000-6
Nombre de pages : 200Posant nue aujourd’hui sous les yeux d’étudiants s’exerçant au dessin d’après modèle, Mansoureh Kamari repense à son enfance en Iran. L’insouciance est la règle jusqu’au jour du rite cérémoniel de passage à l’âge adulte. Porter son voile fleuri que sa mère lui a confectionné lui donne des ailes comme si elle était un ange dans le ciel. "Je ne savais pas encore… " ajoute-t-elle. En effet, à 9 ans, la petite fille est désormais considérée comme une adulte légale avec tous les droits et obligations qui vont en faire la prisonnière d’un système qui va l’écraser… Fuir l’Iran va vite devenir sa seule option.
Mon avis : Exilée d’Iran, Mansoureh Kamari nous raconte son histoire mais aussi celle de milliers de femmes prises dans les filets d’un régime qui réprime la liberté, contrôle les corps et punit les idées. À travers une narration fragmentée, elle mêle souvenirs d’enfance, violences subies, réflexions artistiques et parcours de militante. Elle livre une œuvre profondément intime, puissante mais surtout indispensable pour se rendre compte de ce qu'elle a pu vivre.
Le style graphique est brut, expressif, parfois volontairement inachevé. Son corps, ce territoire intime devenu champ de bataille, brimé, brisé, effacé, mais jamais soumis en est le fil rouge. Les traits, noirs, parfois rouges ou éclatés, tracent littéralement ce corps en résistance. On découvre une sincérité plastique rare, loin des canons classiques de la BD, mais d’une force évocatrice bouleversante.
Mansoureh Kamari ne cherche pas à raconter une histoire linéaire. Entre autobiographie graphique et cri politique, cet album est autant un témoignage qu’un acte de résistance. C’est une combinaison réussie de poème graphique, de journal et de manifeste contre l’interdit, bref un moyen habile de témoigner surtout lorsqu’il s’agit d’un pays où la parole est confisquée. Mais c’est aussi un chant d’amour pour la création, la sororité, la mémoire vive des luttes.
Kamari dessine pour se reconstruire, pour dénoncer, pour ne pas oublier. Une œuvre bouleversante, libre et engagée. Ce récit poignant est bien plus qu’une BD, c’est un témoignage artistique d’une puissance rare et la voix d’une femme qu’on ne peut oublier.
À lire, à relire et à partager.
SDJuan
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OHIO LA BELLE RIVIERE Tomes 1 & 2
- Par asbl-creabulles
- Le 09/09/2025
Tomes 1 & 2
Scénario : Fred DUVAL
Dessin : BRADA
Couleurs : Jean-Paul FERNANDEZ
Roughs des couvertures : EMEM
Dépot légal : août 2024 pour le 1 et août 2025 pour le 2
Editeur :
Collection : Conquistador
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-413-04375-1 pour le t1 et 978-2-413-08075-6 pour le t2
Planches : 46En plein milieu du 18e siècle, la rivière Ohio qui traverse les terres de la Nouvelle-France est source de nourriture mais aussi de conflits entre colons anglais et français et par ricochet entre les Iroquois de la nation des Mohawks alliés des Anglais et les Hurons alliés des Français. Tous se font une guerre sanglante pour le contrôle d’une rivière constituant un territoire économique incontournable pour le marché des peaux et fourrures. Malgré tout, certains refusent d’entrer dans ce conflit. C’est le cas des iroquois Loup Blanc et de sa compagne Loutre qui veulent avant tout protéger leur famille. Ils vont finalement prendre la décision de partir vers les territoires plus calmes des Grands Lacs du peuple des Sénécas de la grande nation iroquoise. Sur leur route, ils vont croiser Jacques de Lestac, alias Jacques Carabine, ancien pirate devenu coureur des bois de profession, autrement dit trappeur pratiquant la chasse aux animaux à fourrure et le commerce de celles-ci avec les autochtones. S’il vient tout juste de sortir vainqueur d’un combat face à trois hurons, il est gravement blessé. Malgré ses origines françaises, Loup blanc et Loutre vont le soigner. Par la suite (tome 2), Loup Blanc va aider Lestac à retrouver les traces de sa fille qu’il croyait morte tandis que Loutre fuyant les attaques des guerriers Algonquins a trouvé refuge avec ses enfants auprès des Sénécas. Mais la région s’enlise dans la guerre via le jeu des alliances stratégiques que les tribus adverses ont passées avec les Anglais et/ou les Français.
Mon avis : Fred Duval situe son aventure sur les terres d’une Amérique du Nord en pleine mutation, à travers une histoire aussi sensible qu’engagée et signe une fresque historique où l’intime se mêle avec force aux grandes secousses qui ont marqué la fin du 18e et le début du 19e siècle américain avec notamment la naissance des États-Unis mais aussi l’évincement de la Nouvelle France et la mainmise britannique sur ces territoires. Sur fonds de paysages majestueux, Ohio - La belle rivière est un récit captivant, richement documenté et visuellement fort. Une œuvre qui parle d’un autre temps, mais résonne étrangement avec le nôtre en matière de rivalités ou de volonté de conquêtes. Le récit poignant et profondément humain que nous propose Fred Duval constitue une belle évocation du passé. La narration maintient la tension tout en demeurant très fluide comme la rivière Ohio qui en est l’un des principaux personnages et un enjeu pour son contrôle de la part des différents protagonistes. Cette beauté de la rivière contraste avec les fractures profondes qui les opposent mais aussi avec la violence omniprésente, notamment la violence raciale, et l’injustice.
Le dessin de Brada capte à merveille l’atmosphère de cette Amérique en pleine mutation. Les décors et paysages sont soignés, les visages expressifs. Les scènes d’action et de combat, parfois très dures, sont bien lisibles et nerveuses. Jean-Paul Fernández apporte une lumière particulière à l’ensemble au moyen de teintes chaudes, souvent dorées ou ocre, typiques des paysages locaux mais aussi de la peau plus foncée et cuivrée des Indiens tout en renforçant les scènes de nuit assez nombreuses dans le deuxième tome. Une belle série de couvertures dont les roughs ont été réalisés par Emem.
Suite et fin dans le prochain et dernier épisode de cette trilogie intéressante et agréable à lire.
SDJuan
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LES JUSTES - T1 - Carl Lutz
- Par asbl-creabulles
- Le 04/09/2025
Tome 1/2 - Carl Lutz
Scénario : Jean-Yves LE NAOUR
Dessin : Brice GOEPFERT
Couleurs : Tanja CINNA-WENISCH
Dépot légal : août 2025
Editeur : Bamboo Édition
Grand format
EAN/ISBN : 979-10-41107-34-6
Nombre de plages : 80Au terme d’un long et pénible voyage en train, Carl Lutz et son épouse Gertrud sont enfin arrivés à Budapest ce 2 janvier 1942. Carl doit prendre ses fonctions en qualité de vice-consul de Suisse, représentant également les intérêts de la Grande-Bretagne, des États-Unis et d’une dizaine d’autres pays désormais en guerre avec la Hongrie. En effet, si depuis 1919, le pays est gouverné par un régent, l’amiral Horthy, en 1939 celui-ci a opté pour une alliance avec l’Allemagne nazie. Désormais sous la botte allemande, le pays va même participer aux discriminations ciblant les Juifs et contribuer à remplir les trains vers les camps dits de travail. Peu à peu, la peur va devenir le quotidien des Juifs. C’est là que Carl Lutz entre en scène en tant que représentant consulaire mais surtout en tant qu’homme d’un calme inébranlable face à l’horreur. Grâce à des plans d’action administrative audacieux et un réseau de collaborateurs engagés, il va orchestrer la résistance diplomatique, sauvant ainsi des milliers de vies à travers des "lettres de protection" et des abris sous juridiction suisse.
Mon avis : Nouvelle série historique, Les Justes nous propose de découvrir deux albums bouleversant sur la mémoire de la Shoah, l’un évoquant le rôle d’Émilie et Oskar Schindler et l’autre celui de Carl Lutz. L’album consacré à Carl Lutz est un ouvrage marquant, poignant et surtout nécessaire qui donne corps à une figure oubliée de la résistance civile, un hommage digne, porté par des auteurs en pleine maîtrise de leur sujet. Jean-Yves Le Naour, historien aguerri, s’est associé à Brice Goepfert, également passionné d'histoire avec un grand H, pour faire revivre l’histoire d’un homme resté trop longtemps dans l’ombre des manuels, Carl Lutz, ce diplomate suisse en poste à Budapest durant la Seconde Guerre mondiale qui y sauvera des dizaines de milliers de Juifs.
Le Naour signe un scénario d’une grande clarté, très fluide tout en étant richement documenté. Il ne cède ni au larmoyant ni au spectaculaire, préférant mettre en lumière l’engagement discret mais héroïque d’un homme seul face à la mécanique bien rodée des nazis. Le récit est aussi l’occasion de nous faire découvrir les tensions politiques, les jeux d’alliances, les hésitations d’un monde qui, à de rares exceptions, détourne les yeux.
Brice Goepfert illustre ce récit avec une justesse rare. Son trait réaliste restitue à merveille l’ambiance sombre et oppressante de Budapest en guerre. La mise en scène, sobre mais expressive, suggère de l’émotion sans jamais la forcer. Bien souvent les regards parlent autant que les dialogues et les attitudes hésitent entre espoir et désespoir. Tout est réfléchi pour servir le récit historique en évitant les artifices inutiles.
Les couleurs de Tanja Cinna-Wenisch mettent bien en valeur le travail du dessinateur et renforcent le réalisme historique du récit.
À ne pas rater, le dossier en fin d'album des plus intéressantsUn devoir de mémoire en bande dessinée, mais surtout une magnifique leçon de courage.
SDJuan
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ALIX SENATOR T16 L'Atlantide
- Par asbl-creabulles
- Le 31/08/2025
Tome 16 . L'Atlantide
Scénario : Valérie MANGIN
Dessin : Thierry DÉMAREZ
Couleurs : Jean-Jacques CHAGNAUD
Dépot légal : Août 2025
Editeur :
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-203-28443-2
Nombre de pages : 48Printemps de l'an 8 avant J-C. Deux navires s’éloignent des côtes les plus au sud de l’Armorique sous le regard de nombreux habitants partagés sur le bien-fondé de cette expédition. À bord du Pytheas, Alix et son fils Titus poursuivent et comptent bien achever leur quête de l’Atlantide. Avec eux, un groupe de celtes qui accompagnent des statues de dieux et déesses atlantes en orichalque conservées dans des caisses de plomb stockées à bord du Chimilkat, le second navire remorqué par le Pytheas. L’expédition vise à ramener ces effigies dans leurs temples d’origine. Lors d’une première escale plus au nord, ils découvrent un ensemble de blocs de pierre dressés en cercle, identique à celui de leur village. Pour Sertis et les autres prêtres du voyage, cet ensemble de mégalithes est sans aucun doute une création de la Dame de la Mer. Alors qu’ils célèbrent une cérémonie-hommage, ils sont la cible d’une salve de flèches. Un groupe d’autochtones bretons considérant l’arrivée de ces étrangers comme une menace a décidé de les chasser par la force. Alix ordonne à son groupe de fuir car loin d’être de la lâcheté c’est refuser de tuer et d’être tué pour rien. Mais cet incident n'est rien en comparaison de ce qui attend nos voyageurs jusqu’à la fin de leur périple en mer vers les terres du Nord, sur les rives de la légendaire Atlantide où les dieux vont se manifester à leur manière…
Mon avis : Avec cette quête vers l’Atlantide, Valérie Mangin et Thierry Démarez nous ont entraîné aux côtés d’Alix sur un terrain inattendu, celui du mythe pur, au carrefour entre l’Antiquité historique et la légende. Tout en restant fidèle à l’esprit de la série, ce seizième tome élargit son horizon narratif à la lisière du fantastique. Valérie Mangin intègre astucieusement cet aspect légendaire en respectant la cohérence historique du récit. Pour cela, elle s’appuie sur les textes antiques mais en y injectant ce qu’il faut de tension dramatique et de jeu politique. Alix, fidèle au poste, a accepté une mission diplomatique qui va très vite virer à l’aventure périlleuse. Plus mûr que jamais, il va se retrouver confronté à un peuple oublié et au mythe de l’Atlantide. Mais Alix n’est pas un aventurier naïf. Il doute, il négocie et doit même souvent se battre car loin d’être une utopie, cette Atlantide recèle elle aussi des zones d’ombre.
Le dessin de Thierry Démarez est au top de la qualité visuelle autant les paysages de nature sauvage que les multiples décors et architectures ainsi que les innombrables visages tourmentés qui font montre d’une expressivité étonnante. Sa mise en scène donne une profondeur quasi cinématographique à l’aventure et ses couleurs toujours aussi belles et efficaces ajoutent une touche de réalisme au récit qui rappelle que l'Atlantide n’est pas seulement une île mythique, fantasme d’un monde perdu. C’est une étape importante dans la quête de vérité historique d’Alix.
Un nouvel épisode surprenant alliant rigueur historique et mythe agrémentés d’une pointe de fantastique pour amateurs d'aventures et de mystères antiques qui confirme la longévité et la modernité d’Alix Senator.
SDJuan
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AIRBORNE 44 Tome 11
- Par asbl-creabulles
- Le 24/08/2025
Tome 11 - M.I.A. - Missing In Action
Scénario : Philippe JARBINET
Dessin : Philippe JARBINET
Couleurs : Philippe JARBINET
Dépot légal : août 2025
Editeur :
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-203-25703-0
Nombre de pages : 642015. Un casque américain datant de la Seconde guerre mondiale a été retrouvé dans les Ardennes belges. Il appartenait à Cilian Campbell, comme indiqué à l'intérieur du casque. À Watterfall, en Pennsylvanie, son épouse Aurora aujourd’hui âgée de 92 ans a toujours ressenti au plus profond de son cœur que son mari était mort en Belgique à la fin de la guerre, même si l'administration américaine affirmait qu’il était rentré aux États-Unis après la guerre. Son petit-fils, lui aussi nommé Cilian, a toujours voulu connaître depuis sa plus tendre enfance les conditions de vie de son grand-père sur le champ de bataille. Aujourd'hui avec la découverte de ce casque, il espère surtout pouvoir apporter des réponses aux questionnements qui préoccupent sa grand-mère depuis plus de 70 ans.
Mon avis : Avec ce nouvel album, Philippe Jarbinet nous propose un onzième tome à la fois tendu, émouvant et profondément humain et, bien sûr, fidèle à l’identité de la série Airborne 44. Plus encore que dans les précédents, il nous fait partager les traumatismes psychologiques des survivants, leurs silences insupportables, leurs cicatrices toujours ouvertes tant que les corps des victimes n’ont pas été retrouvés et que le processus de deuil reste impossible. Évitant le piège d’une sensiblerie facile, l’album suit le parcours de plusieurs personnages dont les trajectoires se croisent autour de la disparition de Cilian, ce soldat américain venu se battre sur le sol belge, et du besoin de vérité. Après avoir évoqué le thème du racisme dans le cycle précédent, Philippe Jarbinet aborde également les exactions commises par les G.I.s sur le sol européen et notamment par les prédateurs sexuels en évoquant la délicate question des viols.
Graphiquement, Philippe Jarbinet reste fidèle à sa patte si reconnaissable, avec de superbes aquarelles précises, des décors vivants, des regards tristes et pourtant pleins de vie, dans ce style s’apparentant à une photographie dans lequel il excelle. À chaque planche on apprécie la beauté de lieux pourtant marqués par le conflit, mais aussi la lumière quasi omniprésente, symbole d’une vie qui continue tant bien que mal malgré tout, notamment chez ceux qui cherchent à comprendre et à faire leur deuil pour mettre fin à la souffrance.
Le rythme est volontairement posé. Pas de combats, pas de fracas de canons cette fois pour nous raconter le poids de l’absence avec une finesse rare. Philippe Jarbinet nous offre un album réellement poignant.
J'attends la suite de ce dyptique avec impatience.
SDJuan
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HISTOIRES DE GUERRE T3
- Par asbl-creabulles
- Le 24/07/2025
Tome 3 - Pillard de guerre
Scénario : Philippe PELAEZ
Dessin : Francis PORCEL
Couleurs : Francis PORCEL
Dépot légal : juillet 2025
Editeur : Bamboo Édition
Collection : Grand Angle
Grand format
EAN/ISBN : 979-10-41103-56-0
Nombre de pages : 56Rescapé des tranchées de la Grande Guerre mais condamné au bagne en Guyane, Ferdinand Tirancourt a réussi à s'évader. Le voici à présent au Mexique à la tête d'une petite bande de simples "pillards" qu’il va réussir à convaincre de rejoindre la Révolution aux côtés de Pancho Villa, celui-là même qui s'est fait une sacrée réputation en attaquant la ville de Colombus protégée par les Américains. Ce hors-la-loi devenu rapidement leader révolutionnaire doit désormais faire face à l’armée mexicaine et aux troupes du général Pershing. Ferdinand n'a pas froid aux yeux en allant jusqu’à proposer à Pancho Villa de lui fournir des armes si en échange ce dernier accepte de le conduire au seul endroit où Ferdinand pense pouvoir être enfin libre, Tahiti.
Mon avis : Dans ce troisième tome de la série Histoires de Guerre, Philippe Pelaez et Francisco Porcel frappent fort en déplaçant le théâtre des opérations… au cœur de la révolution mexicaine. Notre antihéros est propulsé dans une nouvelle zone de chaos : le Mexique du début du XXe siècle, en pleine guerre civile après le soulèvement de Pancho Villa. Venu chercher fortune, répit ou fuite en avant, Ferdinand Tirencourt se retrouve une fois de plus embarqué dans un conflit qu’il ne comprend qu’à moitié mais qu’il exploite pleinement.
Philippe Pelaez construit un scénario mêlant habilement suspense, action et passé historique, tout en injectant une touche ironique bienvenue. Les dialogues sont savoureux, les situations tendues et imprévisibles. Ferdinand Tirencourt continue d’incarner l’incertitude morale en terrain instable.
Ce dernier tome (en date) donne une ampleur inattendue et bienvenue à la série. Plus qu’une simple chronique de guerre, l’album Pillard de Guerre propose une réflexion sur l’opportunisme, la violence qui l’accompagne et l’impossible expiation. La rencontre entre Ferdinand Tirencourt et Pancho Villa n’est pas seulement un clin d’œil historique, elle souligne le lien qui existe parfois entre banditisme et révolution et la manière dont des figures de guerre emblématiques se rejoignent.
Le dessin de Francisco Porcel (Les Folies Bergère, Chevalier Brayard, Les Mentors …) est à la hauteur. Il rend avec intensité la poussière des déserts mexicains, la fureur des chevauchées et les regards déterminés des rebelles. Le choix de couleurs dans une palette chaude, presque brûlante, tranche avec l’atmosphère plus sombre des précédents tomes.
Un final intense, visuellement éclatant et moralement dérangeant. Une belle performance dans le paysage de la BD historique.SDJuan
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ABSOLUTE SUPERMAN T1
- Par asbl-creabulles
- Le 22/07/2025
Tome 1 - Les Poussières de Krypton
Scénario : Jason AARON
Dessin : Rafa SANDOVAL
Couleurs : Ulises ARREOLA
Traduction : Laurent QUEYSSI
Dépot légal : Mai 2025
Editeur : Urban Comics
Collection : DC Absolute
Format comics
EAN/ISBN : 979-10-26823-39-1
Nombre de pages : 122Kal-El a eu une enfance heureuse avec ses parents et son chien sur la planète Krypton. Même si les classes sociales étaient bien structurées et identifiées par des symboles sur le torse, par exemple S pour les "ouvriers", même si elles ne se mélangeaient pas, cela ne l’a jamais vraiment dérangé. Ses parents Jor-El et Lara-El étaient plutôt destinés à intégrer la Ligue Scientifique mais leur attitude a très vite joué contre eux. En effet, ils avaient compris que cette classe "supérieure" pillait les ressources naturelles de la planète et exploitait la classe ouvrière jusqu'à un point de non-retour. Jor-El avait tenté en vain d’alerter la Ligue Scientifique sur le péril qui menaçait l’existence même de la planète. En allant dans la mine pour la énième fois, il en avait eu la preuve mais la Ligue n’avait pas voulu l’écouter et l’avait rejeté. En fait, la Ligue savait et avait même préparé en secret une échappatoire… pour ses membres uniquement. Heureusement, Jor-El et Lara-El avaient eux aussi prévu un moyen de survie.
Sur Terre, aujourd'hui jeune adulte, Kal-El est prêt à tout pour sauver ce monde qui est à présent le sien.Mon avis: Jason Aaron fait une entrée fracassante dans l’univers de celui que l’on surnomme Le Dernier Fils de Krypton. Connu pour son style nerveux, profondément humain et souvent tragique (cf. Scalped), l’auteur américain offre ici une relecture forte et résolument moderne du mythe Superman. Bien qu'il y ait de nombreux points communs avec le Superman que nous connaissons, ce nouveau titre nous présente un Superman qui oscille entre bataille titanesque et réflexion intime, compassion, contrôle de soi ou même doute. Superman y est confronté à ses propres limites, physiques comme morales. Aaron ose un héros vulnérable, faillible, parfois coléreux mais jamais résigné. On y retrouve l’intensité émotionnelle des grands récits super héroïques en évitant la lourdeur mythologique. Ici, chaque choix compte, chaque mot pèse.
L’album s’inscrit dans le projet Absolute visant à réécrire en profondeur les grands personnages DC. Pouvant se lire indépendamment, il frappe fort dès les premières pages. Survivant, quasi Oméga Man, le futur Superman va susciter la révolte et devenir le symbole de l'espoir et de la justice qui semblent avoir déserté la planète entière face au pouvoir oppresseur toujours plus cruel et sans pitié. Superman défend les opprimés, la classe ouvrière des bidonvilles exploitée par la Lazarus Corp. partout dans le monde. Ce jeune Superman ne connaît pas encore les limites de ses pouvoirs et ne contrôle pas vraiment ses émotions et sa colère.
Côté dessin, les planches bénéficient du trait dynamique et expressif de Rafa Sandoval au sommet de son art. Les pages sont spectaculaires que ce soit par leur composition, les mouvements fluides ou les expressions qui sont superbement rendues. Sandoval capte autant l’ampleur des combats que l'émotion et la tendresse entre Superman et ses parents ou le regard paniqué ou plein de rage d'un gamin face aux situations de la vie et à l’injustice. Sa mise en scène donne une puissance cinématographique au récit sans jamais trahir l’humanité du personnage face à un monde de plus en plus cynique.
Les couleurs d'Ulises Arreola apportent encore plus de tonus et d'énergie, si c'est encore possible, au dessin de Rafa Sandoval.
À mes yeux, cet "Absolute Superman" n’est pas qu’un album de plus, c’est bien une redéfinition moderne, accessible, plus dure et profondément plus réaliste du mythe.
Alors que le nouveau film Superman sort au cinéma en divisant l’opinion sur les réseaux sociaux, Jason Aaron et Rafa Sandoval signent ici un récit qui peut déjà prétendre à devenir un classique contemporain du super-héros.
Ci-dessous la variante cover de chez Pulp's.Notre souhait est que le tome 2 soit au moins aussi intense sinon plus, même s’il sera difficile d'y arriver tant celui-ci tape déjà fort.
SDJuan
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DEUXIÈME BUREAU t2
- Par asbl-creabulles
- Le 21/07/2025
Tome 2 - Faites vos jeux
Scénario : CHACMA
Dessin : Brice GOEPFERT
Couleurs : Fabien BLANCHOT
Dépot légal : Mai 2025
Editeur : Kennes - Les 3 as
Grand format
EAN/ISBN : 978-2-931300-04-6
Nombre de pages : 64Ce 1er août 1936, au cœur de Metz, un homme est violemment arrêté par des policiers en civil. En fait, il s’agit de la sécurité militaire. L’homme est accusé d’espionnage au profit de l’Allemagne. Le lieutenant Doudot obtient rapidement ses aveux et lui propose de travailler pour les services français s’il révèle l’identité du traître qui a transmis les plans de la mobilisation aérienne française aux Allemands. L’homme avoue qu’il s’agit d’une femme que l’on surnomme "L’ange bleu"… Dans le même temps, à Berlin, la cérémonie d’ouverture des JO a débuté dans le nouveau stade olympique. Maryse Maréchal y retrouve son amie Abby. Autant Maryse s’enthousiasme devant la splendeur de la cérémonie, autant Abby est négative et n’y voit que manipulation et mensonge de la part d’Hitler qui en a fait un outil de propagande nazie. Mais pour le moment, toutes deux s’apprêtent à assister à la grande soirée d’inauguration au milieu des dignitaires nazis et des diplomates du monde entier. Peut-être une occasion inespérée pour Maryse d’obtenir des informations concernant son fils Michel qui a été enlevé par les services secrets allemands. Peu après, Abby apprend de son contact Oscar Reile que l’Allemagne développe un nouveau chasseur, le Messerschmitt BF 109. Pilote chevronnée, Maryse finira par infiltrer la base où l’appareil est en test et à se faire engager comme pilote d’essais, une ouverture vers l’Espagne, dernier lieu de présence avérée de son fils, où Hitler a prévu d’envoyer la légion Condor apporter son soutien aux Nationalistes.
Mon avis : Dans ce second volet, Chacma et Brice Goepfert continuent de nous faire revivre avec rigueur l’univers trouble de l’espionnage français à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Ils nous font partager les tensions historiques dans un Paris où la diplomatie se joue aussi bien dans les salons que dans les coulisses les plus opaques. L’intrigue s’épaissit autour de l'agent de ce très secret Deuxième Bureau, largement mis en avant dans ce récit, alors que la France entre dans une phase critique face aux menaces venues d’Italie, d’Allemagne, et même de ses propres réseaux corrompus. Le scénario de Chacma est précis, plein de tension et abondamment documenté sans être pesant. Il développe la relation ambigüe entre les deux espionnes mais aussi avec les autres personnages. On retrouve tous les ingrédients du genre − double jeu, faux semblants, menaces pour la sécurité d’agents troubles, etc. − portés par des dialogues toujours justes et un sens du rythme bien maîtrisé.
Le dessin de Brice Goepfert est très académique mais dans le bon sens du terme. Ses pages font preuve de rigueur, de méthode et de précision et restituent à merveille l’atmosphère des années 30. Son trait réaliste donne de l’épaisseur aux décors urbains, aux visages marqués par les secrets et aux scènes d’action sobres mais efficaces offrant au lecteur une narration fluide et agréable. Fabien Blanchot joue habilement avec les couleurs, accentuant le climat de paranoïa et de guerre froide avant l’heure.
Du pur plaisir pour les amateurs de récits d’espionnage historique intelligents et riches en tension qui liront également avec intérêt les suppléments qui reviennent sur les faits marquants de la seconde moitié de l’année 1936.
SDJuan